Un immense portrait de Madiha Yousry, belle et arrogante à la fois, dans le film La Fin de l'histoire, de Helmy Hafla (1951), est posé à l'entrée de l'Institut du monde arabe à Paris où se déroule la 7e Biennale. Beaucoup de passants chavirent devant cette audacieuse apparition plus grande que nature. Etat des choses de la biennale : une bonne centaine d'œuvres, quelques-unes d'une qualité artistique stupéfiante. Ainsi la mise en scène à couper le souffle de Nuits blanches (Sahar Al Layali) du cinéaste égyptien Hani Khalifa. Celui-ci n'a pas attendu son heure pour signer un pur chef-d'œuvre. Totem et tabou Il est né en 1970 et c'est son premier long métrage fiction, c'est une œuvre radicale, explosive, un feu d'artifice à la manière de Stanley Kubrik. Il s'agit d'une histoire qui pulvérise tous les codes de la famille (si réactionnaires) dans le monde arabe. Ici, la voix des femmes est coléreuse et jette leurs tristes vérités à la face des hommes, les maris surtout. Une bonne claque en tout cas à l'hypocrisie dominante (dans les relations amoureuses). Cela se passe au Caire, les femmes sont jeunes, belles, riches, modernes (la main cadenassée à leur mobilephone). Leur mari aussi, sauf qu'ils sont d'immenses tricheurs, de faux jetons. Sur un rythme lyrique, musical, speedé, Hani Khalifa met en scène la vie de quatre couples caïrotes, leurs amours et leurs affaires, leurs tumultes et leurs solitudes, et brise en même temps pas mal de tabous (dans le cinéma arabe) : scènes audacieuses du sexe, partage généralisé de drogue douce, d'alcool fort... Les hommes font des crasses, les femmes poussent des gueulantes. Le film réduit en cendres l'injustice ancestrale commise contre les épouses... Mal mariées peut-être, mais certainement pas maltraitées car dans cette histoire, elles rendent coup pour coup et font chambre à part ! De très solides acteurs et actrices du cinéma égyptien sont jetés dans cette magnifique galère, où on rit, on chante et on pleure, notamment Mona Zaki, Hanan Turk, Ahmed Hilmi, Cherif Mounir... Quel souffle ! Classé « pour adultes » par la censure égyptienne, Nuits blanches a connu dès sa sortie en Egypte un déferlement du public sans précédent. Quelques bonnes graines de cinéastes algériens sont aussi à l'affiche de la biennale. Seul Kamel Dehane, pourtant annoncé, était absent. Reste (en compétition) le film de Abdelkrim Bahloul qui dévoile dans son portrait de Jean Sénac un fragment de l'héritage poétique de l'Algérie. Et aussi un sujet de documentaire d'une urgence vitale : la souffrance psychiatrique en Algérie est montrée avec une grande rigueur par le cinéaste algérien Malek Bensmaïl dans Aliénation. Une œuvre dédiée au père du cinéaste constantinois, l'un des précurseurs de la psychiatrie en Algérie. La vamp madiha Dans la section des films courts, on a retrouvé Tariq Téguia, Nassim Amaouche, Liès Salem, une nouvelle génération qui s'est illustrée lors de précédents festivals. Pour la première fois, vingt films de réalisateurs irakiens ont été regroupés. Des cinéastes exilés à Beyrouth, au Caire, en Europe et aux Etats-Unis, au prix d'efforts considérables, ont fait un cinéma irakien de la diaspora. Abbès Fadhel, Samir Zaïdan, Tarek Hachem, Mohamed Choukri Khalil et quelques autres ont participé à la rétrospective. L'hommage à Madiha Yousry qui a joué dans tant de sagas populaires et mythologiques a fait évidemment salle comble à la biennale. Certains classiques du cinéma égyptien ont été tournés dans l'optique de cette star incontournable (doublée d'ailleurs d'une productrice très prospère), à l'époque où Chadia, Youcef Wahbi, Farid El Atrach, Ismaïl Yassine étaient à ses côtés sur les écrans.