Bien étrange découverte au fil du récit du film de Werner Herzog, Bad Lieutnant, port of call New Orleans à la Nouvelle Orléans, il y a un magasin algérois à l'enseigne de Algiers Central Market, décor naturel de quelques séquences de cette production en compétition à la 66e Mostra de Venise. Venise (Italie) De notre envoyé spécial Une grande supérette comme celles qu'on trouve dans mon quartier des 7 Merveilles avec un oulid bled souriant derrière sa caisse... Le film de Werner Herzog est une histoire à mi-chemin entre la norme ordinaire des thrillers, avec flics armés jusqu'aux dents, poursuites de gangs de dealers et en plus, l'imagination surréaliste de Werner Herzog qui est l'auteur de Fizcarraldo, Aguire ou la colère des dieux, Cobra Verde et d'autres fictions épiques. Bad Lieutnant est joué par le grand acteur américain Nicolas Cage qui sauve un prisonnier de la noyade pendant l'ouragan Katrina et en garde de très douloureuses séquelles dans le dos. Alors qu'il recherche un chef de bande de dealers nommé Big Fate qui a assassiné une famille entière d'immigrants sénégalais, des Mourides marchands voyageurs circulant en Louisiane, il réalise que lui aussi a besoin de cocaïne, de vidocine et d'autres substances hallucinatoires pour soulager sa douleur... Film brillamment mis en scène et Nicolas Cage, qui risque fort de décrocher un prix, est un acteur très attachant, cool et vaillant à la fois. Très bonne surprise dans la section Orizonte avec le film de Raja Amari (est-ce la cousine de Chawki ?), coproduit par la Télévision algérienne (ENTV) : Dowaha, la berceuse où l'on retrouve la jeune comédienne Hafsia Herzi. Un travail brillant et sérieux où Raja Amari explore les désirs et les frustrations de femmes maghrébines avec des conséquences tragiques. La jeune cinéaste filme dans une étrange maison de la banlieue de Tunis l'espace clos étroit, et sombre dans lequel trois femmes vivent : une mère et ses deux filles. Cette réclusion volontaire les empêche de voir la réalité, le monde autour. Cet univers fermé limite leur esprit, elles sont aliénées, analphabètes, misérables et pour avoir créé elles-mêmes cette situation, leur sort devient dramatique. Un clair désaveu de la propagande tunisienne qui laisse croire que la condition féminine chez Ben Ali est fort enviable... Un coup de chapeau en passant à l' ENTV qui a misé sur ce film pas facile, courageux, sans compromis. Raja Amari va jusqu'au bout avec courage et lucidité : Dowaha a reçu une excellent accueil à la Mostra. Cela rappelle le beau travail de la Libanaise Jocelyne Saab, qui, elle aussi, va au fond contre l'obscurantisme. Une tout autre histoire, beaucoup moins originale et moins réussie que le travail de Raja Amari, c'est le film égyptien de Yousry Nassrallah, Shahrazade, sur la condition féminine en Egypte. Yousry Nassrallah filme un scénario de Wahid Hamed, qui a déjà collaboré à la production de L'Immeuble Yacoubian, où sont réunis plusieurs témoignages d'Egyptiennes de milieux différents mais toutes victimes du machisme des hommes. Elles apparaissent dans un « reality show » d'une chaîne privée et chacune dévoile sa situation, sa longue souffrance et aussi parfois sa revanche. Le problème, c'est que pour un sujet si grave, la mise en scène de Yousry Nassrallah est d'une platitude déroutante. Et cela, en dépit de la présence de la grande actrice Mona Zaki qui est le fil conducteur du récit. Bonne surprise en revanche avec le film italien d'ouverture, Baaria, de Giuseppe Tornatore. œuvre autobiographique sur l'histoire de trois générations de la famille de l'auteur et sur sa ville Bagheria. Le nom de cette ville sicilienne vient de l'arabe, Bab El Ghérid : la présence arabe en Sicile a duré plusieurs siècles, de l'époque des Fatimides à Roger II. Baaria est une immense saga tournée en Tunisie pendant 25 semaines avec une centaine d'acteurs, 35 000 figurants, 3000 costumes et la musique d'Ennio Morricone.