Mme A. O (Université d'Alger) Mille fois merci d'avoir si bien expliqué un problème très important que l'on rencontre depuis quelques années en Algérie. Etant moi-même enseignante à l'université, je remarque avec beaucoup de désespoir ces déperditions, y compris au niveau des universités. Quand on sait que même des docteurs d'Etat ne peuvent pas rédiger leur thèse par manque « d'outils linguistiques », c'est que la situation est très grave. C'est triste de voir une certaine catégorie d'étudiants se rabattre sur des filières pour la simple raison qu'elles sont enseignées en arabe. Dans d'autres pays, les manuels scolaires sont riches et attrayants, alors que nos manuels de langue française sont très pauvres en textes (3e AM et 4e AM). On est en droit de penser que c'est lamentable, hélas ! Merci d'avoir soulevé un problème grave, qui ne fait que durer. Recevez mes salutations les plus respectueuses. Réponse Il y a plusieurs facteurs qui sont à l'origine de la chute du niveau des études scolaires et surtout universitaires (à ce niveau, c'est encore plus dramatique). Du simple citoyen, aux politiques, en passant par la poignée de spécialistes qui reste encore en activité dans le pays (beaucoup ont été contraints à l'exil forcé), tout le monde les connaît. La démonétisation — le mot est pesé — de la langue arabe suite à sa brutale éviction de certaines filières universitaires est le seul facteur causal à ne jamais avoir été évoqué. La démonétisation programmée de cette langue a pour fâcheuse conséquence, sa dévalorisation aux yeux des élèves (dès le primaire) et de leurs parents. La démotivation est ainsi distillée à petite dose. Au fur et à mesure que l'élève avance dans sa scolarité, il prend la mesure de la rupture entre l'école et l'université. Plus il lorgne vers les amphithéâtres d'université, plus l'écho lui revient cinglant de vérité : « tu ne retrouveras pas la langue arabe dans telle ou telle filière ». Et quelles filières ! Nous sommes le seul pays au monde à pratiquer consciemment la schizophrénie — certains diront l'hypocrisie — intellectuelle. Et cela dure depuis trois décennies. Alors que le choix est tout simple : soit arabiser toutes les filières scientifiques de l'université pour en faciliter l'accès aux enfants d'Algérie toutes couches sociales confondues, soit enseigner en français dès le primaire les disciplines scolaires qui y préparent (calcul, mathématiques, sciences, physiques, technologie et chimie). Le statut quo actuel fait le jeu de ceux, qui, du côté officiel, claironnent les vertus de la langue arabe et de la démocratisation au bénéfice des enfants du peuple. En catimini, ils optent pour la sélection la plus sournoise qui soit : utiliser la langue française comme filtre discriminant. Et qui en profite ? Leurs enfants.