Le partenariat en matière de recherche universitaire sur la littérature est en train de se renforcer entre l'université française d'Angers et des universités algériennes, celle d'Alger en particulier. Les deux partenaires qui ont déjà réussi deux colloques sur la littérature africaine et nomade vont signer une convention pour intensifier leurs échanges. Nous nous sommes entretenu, à ce propos, avec deux organisateurs du colloque de Djanet, M. Labdaï (université d'Angers) et Mme Brerehi pour l'université d'Alger, ainsi qu'avec M. Lepaludier de l'université d'Angers. Djanet : De notre envoyé spécial Benaouda Labdaï, comment est venue l'idée d'un partenariat entre l'université d'Angers et celles d'Alger et de Blida ? Comme tu le sais, ma spécialité de recherche est la littérature africaine anglophone et francophone, et donc lors d'un colloque sur Albert Camus, tenu il y a quelques années à Tipaza et Alger, j'ai rencontré des collègues de l'université d'Alger auxquels j'ai proposé l'idée de tenir des rencontres sur les littératures comparées anglophone et francophone dans le cadre d'un éventuel partenariat entre l'université française d'Angers et celle d'Alger. L'idée ayant fait son chemin, nous devions organiser un colloque à Alger. Mais vu que l'université de Tamanrasset était prête à nous accueillir, et en présence d'un Sahara situé en plein cœur de l'Afrique, nous avons décidé avec Mme Brerehi, de l'université d'Alger, d'aller à Tamanrasset. Le colloque qui a eu lieu du 1er au 5 avril a eu un énorme succès avec des invités venus des cinq continents, puisque des spécialistes de la littérature sont arrivés d'Australie, des Etats-Unis, de toute l'Afrique et bien sûr d'Europe dont six ou sept universités françaises. Nous avons à cette occasion, créé à Tamanrasset une unité de recherche qui s'appelle d'ailleurs la « Tam team », comme nous avons travaillé pendant deux ans à la préparation de ce colloque qui se tient ces jours-ci à Djanet. Nous saisissons cette occasion pour signer un accord de partenariat entre l'université d'Angers et celle d'Alger. Cette convention permettra d'aller au delà de l'organisation de colloques, ce qui, au demeurant, est déjà important pour les enseignants chercheurs des deux établissements. Nous allons renforcer dans ce cadre d'échange la venue à Angers d'étudiants algériens en lettres et en lettres étrangères pour la préparation de masters et de doctorats. Nous nous donnons aussi les possibilités de codirection de thèses et l'échange d'enseignants et de conférenciers qui peuvent séjourner à Alger et à Angers. Nous pouvons par ailleurs, envisager d'organiser des colloques en Afrique du Sud maintenant que nous avons établi, grâce à ces deux rencontres, des rendez-vous à l'avenir. Laurent Lepaludier, les relations universitaires nouées à l'occasion des deux colloques sur la littératures africaine, coorganisés en avril 2007 et présentement en avril 2009 par les universités d'Angers, d'Alger et de Blida, vont-elles se poursuivre ? Est-ce que ces établissements ont d'ores et déjà d'autres projets de recherche ? Actuellement ces deux colloques ont permis déjà de prendre contact, ce qui nous intéresserait et c'est le but de notre mission, c'est de développer et de formaliser des accords, en particulier avec l'université d'Alger dont un des projets consiste à établir une convention générale entre les deux établissements afin d'arriver à un accord-cadre et à partir de là, établir des démarches précises d'échange d'étudiants, de visites d'enseignants, des projets de coopération entre des groupes sur des thématiques appropriées. Nous avons en particulier, un groupe de recherche en littérature anglophone qui s'appelle le CRILA qui travaille dans le domaine de la nouvelle. Nous pouvons également d'imaginer d'autres groupes de coopération pour d'autres types de recherches avec l'université d'Alger. Ce qui reste à connaître, ce sont précisément les projets à venir, même si nous n'avons pas besoin de tout définir dès maintenant, mais on peut au moins définir le cadre dans lequel s'inscrirait ce partenariat. Est-ce que vous prévoyez d'associer d'autres universités françaises ? Pour le moment non, mais c'est envisageable. Nous essayons d'affiner les relations avec Alger ainsi qu'avec l'université de Beni Melal au Maroc qui semble aussi intéressante dans la mesure où avec l'une et l'autre il y a des formations en traduction et nous avons un programme de master de traduction à Angers sur des problématiques qui sont assez voisines, en ce qui concerne la traduction de l'anglais au français. On pourrait, je crois, bénéficier de ces problématiques. Mme Afifa Brerehi, quels résultats attendez-vous de ce partenariat qui semble d'ores et déjà s'inscrire dans la durée grâce à la réussite de ces deux premiers colloques ? Oui, nous sommes à notre deuxième édition, et si les résultats se font sentir au fur et à mesure que l'on avance dans nos travaux, la finalité de ce partenariat du point de vue scientifique, donc des questions que l'on se pose sur les littératures africaines, c'est finalement une recherche de la refondation de la lecture des littératures africaines En d'autres termes, nous sommes à la recherche de nouveaux cadres de lecture pour précisément lire autrement les productions africaines, du Maghreb jusqu'à l'Afrique du Sud. La nécessité, à ce propos, se fait d'autant plus ressentir que la production littéraire n'est plus celle qui était avant les indépendances et après les indépendances. De plus, la différence est bien marquée selon les contextes socio-historiques. Par conséquent, cette production est radicalement différente.En proposant donc l'écriture nomade, nous faisons référence au nomadisme qui est un concept très chargé dans le sens où on peut l'interpréter différemment. Dans tous les cas, il s'agit d'appréhender ce concept différemment, soit donc comme la désignation d'une écriture libre. La question du nomadisme ne veut pas dire sortir du national. Le nomadisme s'inscrit à l'intérieur même du territoire national. Derrière cela, je me réfère aux écrits de Giles Deleuze par exemple pour qui le nomadisme est « une perpétuelle machine de guerre ». En d'autres termes, il faut à chaque fois réquisitionner ce qui se présente à nous pour ne pas tomber dans la fixité ou dans un processus de stéréotipisation. L'important donc est qu'on a le devoir de rester toujours en éveil avec une perception toujours nouvelle, et ce que l'on récuse aujourd'hui peut-être interrogé avec l'avers et le revers d'une question ce qui est éminemment socio-politique dans le fond. Est-ce que ce nomadisme a pu dépasser les notions de métissage pour aller plus loin , mener des auteurs africains et autres dans l'espace de lecture des Algériens ? Oui, bien sûr ! Le principe, c'est qu'il n'y a pas de frontières et quand je dis le nomadisme à l'intérieur…, disons que ce sera une théorie du « et » soit donc une accumulation. Et avec l'accumulation, il n'y a plus de restriction, c'est une ouverture totale. Quand on parle de nomadisme, on rejette tout ce qui est exclusif au profit de l'adjonction, donc on a d'ores et déjà dépassé les notions de métissage pour aller plus loin.