L'autonomie des universités algériennes est une urgence pour au moins deux raisons principales : l'une, c'est que les affaires des universités se sont complexifiées au cours des dernières décennies et qu'il n'est plus possible pour le ministère de l'Enseignement supérieur de résoudre tous les problèmes, grands et petits, auxquels sont confrontées les universités aujourd'hui. Cette complexification est due au nombre sans cesse croissant d'étudiants et d'enseignants, aux besoins de l'économie nationale, qui se sont multipliés et à la nécessité de s'ouvrir sur le village global si elles veulent, demain, en être des citoyennes actives. L'autre est que les universités elles-mêmes réclament ce droit à la gestion de leurs propres affaires. Il y a de plus en plus une volonté des universités de ne plus dépendre des autorités de tutelle pour la moindre des décisions. La réalité, en effet, est que pour n'importe quelle petite affaire administrative, pédagogique ou scientifique, les responsables des universités sont souvent obligés de se déplacer pour avoir l'aval des autorités de tutelle. Il est par conséquent temps que les uns et les autres se mettent à la table de travail non pas pour réfléchir à la décentralisation de nos universités, parce que cette idée n'est pas d'aujourd'hui, mais pour la mettre en pratique. Il est tant que nos universités puissent se prendre en charge elles-mêmes, et la plupart d'entre elles sont largement prêtes à assumer cette responsabilité. L'Algérie est très en retard dans ce domaine par rapport non seulement aux pays dits développés mais aussi par rapport aux pays en développement. Pour ne citer qu'un des pays de la première catégorie, aux Etats-Unis où j'ai vécu douze ans, le président de l'université prend toutes les décisions qui concernent son université. Bien sûr avec un système de décentralisation interne de la prise des décisions selon le niveau de celles-ci. D'aucuns diront : on ne peut pas comparer l'incomparable. Ils ont raison. Mais d'un autre côté, il est utile de regarder devant soi et d'aspirer légitimement à ce qu'on appelle le développement. Du côté des pays en développement, on peut prendre l'exemple du Ghana, où j'ai enseigné à l'université pendant trois ans, leurs universités sont totalement autonomes. Comme aux Etats-Unis, toutes proportions gardées, les affaires des universités sont prises en charge entièrement par les responsables des universités. Pour illustrer ce besoin absolument vital d'autonomie réelle de nos universités, voici un exemple que j'ai vécu moi-même, mais qui est certainement le cas de centaines, sinon plus, de nos collègues des diverses universités au niveau national. L'année dernière, après neuf ans passés aux Etats-Unis et trois ans au Ghana où j'ai enseigné des cours d'économie, marketing et littérature francophone, j'ai voulu réintégrer progressivement l'université de mon pays. Après vingt-cinq ans d'enseignement à l'université d'Alger, j'ai voulu reprendre l'enseignement à l'université de Béjaïa, ma ville natale. J'ai été voir le recteur de l'université de Béjaïa qui m'a dit que l'université a besoin de quelque chose comme quatorze enseignants du rang de maître de conférences et qu'il serait heureux de m'avoir dans son université. J'ai donc fait une demande à partir de l'université de Béjaïa, qui a été envoyée au ministère de l'Enseignement supérieur en juin 2005. Depuis cette date jusqu'à ce jour, soit plus d'une année, aucune réponse ne m'a été donnée officiellement, positive ou négative. N'ayant pas reçu de réponse, en septembre 2006 je suis retourné au Ghana où j'ai continué à enseigner jusqu'à juin de cette année. Quand je suis rentré dans mon pays cet été, j'ai été à l'université de Béjaïa pour voir s'il y avait une réponse du ministère de tutelle. La réponse est qu'il n'y a pas encore de réponse. Je vais au ministère de tutelle pour voir le responsable des ressources humaines. Ce dernier n'a pas daigné me recevoir. Peut-être ne suis-je pas digne d'être reçu ? Le dossier est toujours au même niveau à ce jour, c'est-à-dire : pas de réponse. Et si je ne reçois pas de réponse avant la fin août, il y a des pays comme le Ghana qui ont heureusement besoin de nos services. Cet exemple, qui n'est certainement qu'un des nombreux exemples qui sont vécus quotidiennement, illustre, on ne peut mieux, ce besoin absolument crucial de transférer les responsabilités universitaires aux universités elles-mêmes dans le cadre de ce qu'on appelle généralement l'autonomie ou la décentralisation. Comme dans beaucoup de pays, encore une fois, pas seulement ceux qui sont développés, mais ceux qui sont en développement, comme nous l'avons vu ci-dessus, les universités sont en charge de leurs propres affaires et le ministère, si ministère il y a, est réduit à un staff d'une poignée de responsables qui ne sont là que pour faire appliquer les grandes orientations politico-administratives de l'Etat. J'émets donc le vœu sincère de voir les deux parties, tutelle et base, commencer à mettre sur le terrain cette autonomie qui aura pour avantages, d'une part, de soulager la tutelle des décisions qui devraient être prises au niveau des universités, ce qui réduirait en même temps le coût financier actuel supporté, entre autres, pour le paiement de tout le staff actuel, et d'autre part, de satisfaire avec plus d'efficacité et de rapidité, les besoins de la base. L'auteu est : Docteur d'Etat en sciences économiques Master of Arts in Francophone Literature