Déjà les moutons font leur apparition dans certaines villes du pays, alors qu'au niveau de la capitale, ils fréquentent, sans complexe aucun, les quartiers huppés de la ville. Les cornes bien en évidence, sans aucune corde autour du cou, un mouton assez costaud, au regard sûr et au front dégarni, suit fidèlement son maître à travers les ruelles de Hussein Dey. L'homme et son mouton arborent une fière allure et font même des jaloux puisque partout où ils passent, ce sont des regards multiples qui accompagnent leur démarche. L'homme et le mouton traversent donc les rues, font des slaloms avec les voitures, alors que les agents de la circulation ne semblent pas du tout gênés par cette intrusion dans la ville. Les regards sont plutôt amusés, comme le sont ces bambins qui n'hésitent point à passer une main innocente au travers de la laine du mouton en signe de caresse à une bête qu'ils souhaiteraient détenir au plus vite. C'est une question de temps, car bientôt, très bientôt même, juste après l'évènement national des élections locales, le starter sera donné pour que toutes nos villes et nos villages deviennent de grandes bergeries, pour que les bottes de foin envahissent nos ruelles, pour que les excréments garnissent les cages d'escalier et que nous tous, nous deviendrons des bergers de fortune (sans jeu de mots). Il existe certainement au fond de chacun de nous cet esprit berger qui somnole. Alors, c'est le moment ou jamais d'exposer sa véritable nature quel que soit le prix à payer. Les ovins vont arriver de Djelfa, de M'sila, de Tébessa et de Tunisie. Chacun choisira son mouton en fonction de ses besoins, car il ne faut pas oublier que le mouton ne sert plus pour le rituel seulement, mais, avant tout, il va être converti en combattant. Le mouton doit d'abord descendre dans l'arène pour montrer ce qu'il a dans ses cornes. « Eddeg », le nouveau loisir des Algériens est attendu chaque année avec impatience et vu le nombre grandissant des adeptes de ce jeu, à la limite barbare, tout un système de compétition est mis en place. On a copié le système des éliminatoires de coupe en football pour les calquer sur le jeu de cornes des moutons, d'où les coups de tête supplémentaires en football. Il y aura donc les éliminatoires, des demi-finales régionales et des finales nationales. Toute une organisation à laquelle manque uniquement une fédération pour réglementer et superviser toute la compétition. Aux dernières nouvelles, une assemblée générale est en cours de préparation pour jeter les premiers jalons d'une structure unique dans les annales. Voilà où nous en sommes à la fête de l'Aïd El Kebir, il ne reste plus qu'à sortir les porte-monnaie.