Le prix cette année : excessif, moyen, abordable c'est selon... Les avis divergent sur le niveau du prix de ce «cher» et «très cher» mouton. «Cher» pour le prix, et aussi «très cher» pour le désir et la foi qui animent chaque famille algérienne en mesure de s'offrir chaque année une digne commémoration, dans la joie et la piété, le sacrifice du prophète Sidna Ibrahim El-Khalil. A quelques jours de la fête de l'Aïd El Adha, le prix de la «bête» à immoler a atteint, selon les bourses à délier, un prix apprécié différemment par l'éleveur de son côté, le revendeur de l'autre et le citoyen-acheteur, qui lui, est coincé entre sa foi, sa bourse et le plaisir de ses enfants. D'aucuns, selon leur pouvoir d'achat et une fierté mal dissimulée, jugée mal placée par certains, sont animés par cet obscur désir, caché pudiquement, du moins tentent-ils de le faire, de sacrifier un mouton plus «imposant» que celui du voisin ou d'un proche de la famille ou tout simplement le plus beau du quartier. Pour revenir à la question délicate des prix, qui finalement intéresse tout un chacun, une tournée que nous avons menée, dans les différents «souks» improvisés pour la circonstance dans la capitale, nous montre que les prix varient entre 14.000 DA et... 32.000 DA l'unité, voire 34.000 pour des béliers «mastodontes» qui s'apparentent à de jeunes veaux. Une nuée d'enfants s'agglutine autour de chaque emplacement de vente vers lesquels se déplacent même de jeunes couples venus faire leur achat sacré, souvent le premier d'importance depuis leur union. Dans le quartier huppé de «Dallas», près de la future gare du métro de Bach-Djerrah, les prix sont acceptables malgré l'emplacement et se placent dans une fourchette allant de 14.000 DA à 18 ou 19.000 DA. C'est là un prix «raisonnable» nous dira un vendeur qui rappelle les prix excessifs de l'an dernier. Ces prix peuvent augmenter, ajoute-t-il, selon la masse de clients et si le cheptel mis en vente venait à manquer, loi du marché oblige. Un peu plus loin, dans le quartier populaire dit «La Glacière», si les prix sont moins élevés, les moutons sont légèrement moins bien portants s'adaptant ainsi aux bourses moyennes que comptent les nombreuses cités environnantes. Un futur acheteur à Hussein Dey, s'enquérant sur les prix, nous dira que c'est pratiquement le prix proposé un peu partout à Alger. Cependant, un citoyen affirmera que les prix proposés aujourd'hui sont «nettement supérieurs à ceux demandés il y a à peine cinq jours», c'est dire la loi implacable de l'offre et la demande qui régule le marché, aidé par la proximité de la date de la fête. Un peu plus loin, près des abattoirs, la vente au poids attire une importante clientèle. En effet, à 400 DA/kg il y a de quoi être attiré, mais là, il faut se méfier, nous dit un potentiel acheteur, qui craint que le mouton ne soit «gavé» d'avoine et de sel et ensuite d'eau pour peser quelques kilos en plus et gagner une poignée de dinars en sus. Toutefois, s'accorde-t-on à relever, les prix du marché ne sont pas exagérés et frisent un niveau acceptable pour tous selon, bien sûr, la taille du mouton convoité et l'usage dont on veut faire en préservant la part des pauvres et celle de la consommation familiale. L'échelle des prix oscille, avons- nous remarqué, selon l'envergure, le poids, la couleur et l'abondance de la toison, et aussi, ceci est important, l'origine du cheptel proposé. Vient-il de la région des Hauts Plateaux, en l'occurrence Djelfa ou Ouled Djellal, appellation désignant une race et une origine très prisées par les connaisseurs qui soulignent que la nourriture principale de ce cheptel ovin local, est composée par excellence de «chih». Ou alors, provient-il des régions non moins appréciées de Boussaâda, de Laghouat ou d'El Bayadh ou encore des montagnes du Tell comme Bouira...? Tous ces paramètres sont méticuleusement sassés par les éventuels acheteurs n'en déplaise à quelques rares vendeurs, simples marchands de circonstance et souvent agacés ou parfois gênés par de telles questions précises. Ce dialogue est fort apprécié par d'autres, généralement éleveurs, contents de se trouver face à un acheteur connaisseur et averti, échange suscitant un intérêt particulier auprès des badauds potentiellement acheteurs, profanes pour la plupart, surtout les citadins, avides d'en connaître plus sur la question. D'autres détails, et non des moindres, sont exposés par les «maquignons», oserions-nous les qualifier ainsi, pour mieux vendre, comme la difficile location de hangars pour abriter les moutons la nuit, le coût du transport, élevé, dit-on, le difficile et relativement cher approvisionnement en fourrage durant ces derniers jours avant la date butoir. Certains revendeurs, comme celui rencontré à Diar el Djemaâ, fier de sa disponibilité active de négocier un prix raisonnable avec son client, nourrit la nuit ses bêtes avec du son, du foin et de l'orge, un menu de qualité pour ses moutons qui sont abreuvés au petit matin. A ce propos, la botte de foin de 60 kg, coûte 600/650 DA contre 500 à 550 DA au prix de gros sans compter son transport vers les différents points désirés. De petites bottes de foin de 2 ou 3 kg sont proposées entre 30 et 50 DA pour «dépannage», le temps de transporter le mouton d'un point à l'autre. Des points d'ordre religieux sont également évoqués par les vendeurs pour tirer un meilleur prix des bêtes pré-qualifiées par la Sunna du Prophète qui privilégie l'animal dont «la tête et les pattes sont noires et la toison légèrement parsemée de taches noires». D'autres acheteurs sont intéressés par des béliers de combat avec des cornes impressionnantes, parfois même en double lacet, et qui ne manqueront certainement pas de les faire participer à des combats douteux dans différents quartiers des villes du pays, suscitant par là même, outre la joie des enfants et des badauds en mal de sensations fortes, des paris élevés engrangeant souvent des querelles entre propriétaires souvent sans gravité heureusement pour la circonstance qui prévaut en ces jours de piété.