La misère sociale a encore de beaux jours devant elle dans la Kabylie profonde en dépit de toutes les promesses et les enveloppes financières faramineuses que les autorités locales s'amusent à annoncer à longueur d'année. Le cas du village d'Aït Allaoua, dans la commune d'Iboudrarène, en plein cœur du Djurdjura, est riche en enseignements. Contraintes en 1998 à déserter leurs habitations pour fuir les affres du terrorisme, les familles de ce village, (une vingtaine), ont commencé à retourner graduellement au bercail depuis 2003, lorsque l'administration les a faites rêver d'une multitude de mesures pour la reconstruction de leurs hameaux. Quatre années plus tard, Aït Allaoua s'enfonce de plus en plus dans le giron d'une misère galopante, accentuée par l'injustice sociale dont l'administration locale fait preuve à l'égard de ces infortunées familles. Ce mépris s'est conjugué récemment par la suppression du bureau de vote de ce village pour des raisons sécuritaires. « Les autorités ont supprimé le bureau de vote par crainte d'une attaque terroriste et nous invitent à aller voter au village voisin », dira Hamid indigné avant d'ironiser : « C'est ainsi que les responsables et les services de sécurité ont peur pour leurs vies, alors que personne ne se soucie donc pour nous, qui y vivons en permanence. » En revanche, les habitants d'Aït Allaoua ont décidé de bouder les urnes ce jeudi « puisqu'il est clair que les autorités, autant que les partis, tout compte fait, n'ont besoin que de nos voix ». La rancune, toute légitime, qu'enfantent les citoyens de ce village à l'égard de l'administration s'explique par la non-prise en charge de leurs besoins les plus élémentaires. L'école primaire nettement saccagée lorsque le village a été déserté, n'apas été rénovée au retour des villageois. Les murs autant que le plafond de l'établissement sont éventrés et ses portes sont ouvertes aux grands vents. Pis encore, l'une des salles de classe est squattée par un habitant du village voisin non pas pour y habiter mais pour en faire une étable pour son cheptel. L'image que renvoie cette école aujourd'hui suscite l'amertume et le dégoût tandis que les enfants scolarisés d'Aït Allaoua sont éparpillés à travers les établissements des autres villages. L'unité de soins implantée au milieu des habitations, elle aussi, subit le même sort. L'infrastructure est scellée et n'a pas été rouverte après le repeuplement du village. L'unique chemin communal qui dessert le village se trouve dans un état piteux et sa réfection est constamment renvoyée aux calendes grecques. Au milieu de ce décor, tout visiteur qui se rend à Aït Allaoua repart avec la blessure dans l'âme. Ce n'est pas, pour autant, de l'isolement et de la dureté de la nature que se plaignent les habitants de ce hameau, mais plutôt de l'arrogance des responsables qui semblent décidés à ne pas renoncer à leur politique de deux poids, deux mesures. Sinon, comment expliquer que, récemment, la daïra d'Aït Yenni et l'APC d'Iboudrarène ont distribué une dizaine de logements sociaux, à raison d'un logement par village, mais celui revenant à Aït Allaoua a pris une autre destination ; pourtant, les familles nécessiteuses n'y manquent pas.