Est-il possible de maintenir l'Irak dans ses frontières ? Dans ses entités multi-éthniques et multicommunautaires ? Un Irak démocratique ? » Des questions posées par Thierry de Montbriard, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), lors d'une conférence de presse jeudi au Centre d'accueil de la presse étrangère. Le directeur de l'IFRI a affirmé qu'il n'était pas sûr que les Etats-Unis aient « les idées claires » à ce sujet. Auparavant, le conférencier a observé que le calendrier de passation de souveraineté aux Irakiens était « artificiel », déterminé par le calendrier de l'élection présidentielle américaine et que derrière la façade il y a des interrogations, tandis que les problèmes restent entiers. « A mon sens, les Américains ne savent pas quoi faire, ils sont dans l'embarras. Rien n'est réglé en Irak, ni de près ni de loin. La situation quotidienne est lourde. Ils n'ont pas de stratégie politique claire », souligne le directeur de l'IFRI. Concernant l'impact politique du procès de Saddam Hussein, le directeur de l'IFRI estime que la capture du président irakien déchu n'a pas produit, du point de vue des Américains, les résultats escomptés. « Ils pensaient que ce serait un triomphe qui comblerait leurs déboires, l'opinion irakienne prise dans les difficultés de la vie quotidienne observe un certain désintérêt. » Faisant un rapprochement avec Milosevic qui « physiquement et psychiquement a réussi à presque renverser la situation », Thierry de Montbriard se demande si un procès de Saddam ne risquerait pas de se retourner contre les juges et les Américains. Sur le rôle de l'Iran, le conférencier estime que les Etats-Unis « donnent le sentiment de fluctuer » et d'engager « un rapprochement avec l'Iran pour s'accommoder les Chiites », « aucune stabilisation de l'Irak n'est possible sans un accord avec l'Iran ». « Un accord avec l'Iran est nécessaire mais pas suffisant » et d'observer qu'« un désordre trop grand peut avoir un effet boomerang sur l'Iran même ». Sur la question de la production pétrolière et de la satisfaction de la demande mondiale, le directeur de l'IFRI rappelle que les capacités des pays producteurs sont, dans l'ensemble, tendues, à l'exception de l'Arabie Saoudite qui peut accroître très vite sa production. Or « la situation intérieure de l'Arabie Saoudite est préoccupante. Ce n'est pas nouveau, mais cette situation se dégrade et les Saoud donnent l'impression qu'ils ne contrôlent plus la situation. » « Beaucoup de désordres en Irak proviennent d'Arabie Saoudite. » « Contrairement à ce que déclare Bush, la sécurité mondiale ne s'est pas accrue depuis 2003. Le fond du problème, c'est l'absence d'une politique américaine sur l'ensemble du Moyen-Orient. » Sur le rôle de la France et ses limites, Thierry de Montbriard estime que la France dit souvent tout haut ce que d'autres Etats pensent tout bas mais « la diplomatie de la parole n'est pas suffisante. La France ne peut agir que dans un cadre européen ». « On ne peut rien faire, si on se borne à se confronter aux Etats-Unis. Les USA sont une puissance dominante et vont le rester longtemps encore. »