Les médias n'ont pas fait grand-chose pour éclairer les électeurs sur les enjeux des locales du ce 29 novembre. Ils auraient plutôt accentué le " découragement " de la société et sa démobilisation. C'est ce sur quoi s'entendent les candidats quand leur avis est sollicité sur le travail entrepris par les journalistes dans le propos de la campagne.La campagne est par définition un grand moment de communication entre les prétendants aux institutions et les électeurs, consommateurs du processus politique. Une communication qui ne s'établit que si ses destinataires sont mis en conditions de réceptivité. C'est sur ce point que les candidats trouvent finalement à redire, se retenant à peine de reprocher aux médias de parasiter le message émis en direction du citoyen. Un homme politique nous demandera, le plus sérieusement du monde, si les membres de la corporation ne s'étaient pas donnés le mot, en abdication devant quelque ordre " venus d'en haut " ou de quelque part, de ces allées méandreuses de l'intrigue nationale, pour pousser les citoyens au boycott. L'attente s'avère d'autant plus énorme de la part des prétendants à l'élection que la campagne est frappée d'asthénie. Comment expliquer sinon que l'on escompte des médias qu'ils " stimulent ", un mot revenu plusieurs fois dans les propos recueillis. Nos interlocuteurs ne s'attardent pas trop sur la contribution attendue des canaux audio-visuels. Verrouillées, la télévision et la radio nationales ne suscitent même plus la critique, dans une attitude qui mêle dédain et fatalisme, même si les politiques, pour qui tout espace de publicité est bon à prendre en ces moments, ne se passent pas des portions de temps accordés à l'écran ou à l'antenne par le dispositif officiel. Des émissions se tiennent à la périphérie du dispositif réglementaire, mais, note B. Mostefaoui, universitaire chercheur dans le domaine des médias, " l'on persiste encore à reproduire des concepts formalistes qui se placent bien en deçà des attentes ". Rien qui puisse réellement influer sur le pouls de la campagne. Il est à remarquer en effet que depuis au moins dix ans, les spots télévisés appellent les algériens à voter, pour, grosso modo, " sauver l'Algérie ". Comme si la nation courait le risque lancinant d'être engloutie par la fente de ces urnes que des électeurs à l'esprit dissipé pourraient manquer d'alimenter suffisamment en bulletins. Les spots diffusés depuis des semaines remettent la même sémantique d'urgence avec quelques " effets spéciaux " empruntés à Google Earth. Des campagnes qui au final, parie un député indépendant, produisent pratiquement, par leur coté " rasoir ", l'effet inverse sur la population. Retenue depuis sa naissance par l'impératif de coller à une actualité outrageusement monopolisée par le factuel politique et ses avatars souvent extrêmes (violences terroristes, crises institutionnelles…) la presse écrite quant à elle a eu rarement droit au choix. Une réalité dont l'évocation certes, sert parfois à dissimuler les limites de la corporation. Des étudiants en fin de cycles, engagés sur des recherches se rapportant à la place du " sujet social " sur les " Unes " de certains quotidiens nationaux, nous faisaient remarquer dernièrement combien l'espace est saturé de manchettes politiques. La conclusion croise une critique que formulent souvent des confrères étrangers. La presse algérienne serait par trop politisée, entendre qu'elle consacre trop de temps et d'espaces à faire la chronique de l'activité politique, même quand celle-ci est en reflux et que la fièvre est complètement retombée autour de la thématique dans la société. " C'est peut être la première fois que la presse ne s'emballe pas pour une campagne électorale " relève Djamel Fardjellah, membre de la direction nationale du RCD. Le député note une rupture au niveau de l'attitude de la presse écrite, qui a habitué à des traitements autrement plus massifs de la matière politique, ne serait-ce qu'en comparaison avec les législatives du 17 mai dernier. La réalité est certes marquée par une tiédeur populaire vis-à-vis du rendez-vous, mais cela ne devait pas empêcher des couvertures moins sceptiques quant au comportement de l'électeur le jour J, pense en substance notre interlocuteur. Le jugement est plus prosaïque du coté du FFS, dont des candidats constatent carrément que la presse était " absente " durant cette campagne. " Oui, la presse est absente !… Absente des meetings et des rencontres de proximité, cela ne contribue pas à donner une température réelle de la campagne ", appuie M. Ferhat, tête de liste FFS à l'APW de Béjaïa. M. Nassim Djama, candidat du même parti à l'APC du chef-lieu, reconnaît qu'il s'attendait à un travail plus fourni de la presse indépendante en particulier. " L'on s'attendait à ce que la presse joue un rôle de stimulateur ... Ce n'est pas vrai, nous n'avons pas eu affaire qu'à des citoyens indifférents " reproche t il encore. Critique plus mesurée de la part du RND qui donne l'air de ne pas trop miser sur les médias. " La presse a observé une certaine neutralité, c'est une bonne chose. Quand les journalistes écrivent que la campagne est plate, ils rendent compte de la réalité. Mais la presse pouvait tout de même véhiculer l'idée que le changement est réalisable, donner l'espoir…", propose M. Bouchoucha, député RND de Béjaïa. M. Meziane Belkacem, parlementaire indépendant, en veut quant à lui à ce choix " technique " qui est retenu au niveau des rédactions et faisant la part belle à la couverture des " chefs " de parti. " Que disent donc les leaders politiques ? Ils développent, et ils sont dans leur rôle, des discours à thématique nationale, or il s'agit là d'élire des staffs locaux avec des missions tout aussi locales. Que fait on des villages… ? Dans les 52 circonscriptions de la wilaya de Béjaïa, en dehors de trois ou quatre circonscriptions que l'on peut classer comme centres urbains, tout le reste est maintenu hors champs … ". Si les médias n'ont pas trouvé de quoi faire une chronique plus vivante de la campagne " c'est moins la faute aux journaliste qu'aux candidats ", souligne B. Mostefaoui, pour qui les prétendants pour les locales ont sévèrement manqué de " punch ". Des candidats et des staffs qui ont un peu trop oublié que la parenthèse de la campagne officielle ne devait être que le point culminant d'une démarche de communication politique à mettre en œuvre bien longtemps avant l'échéance. L'on a tenté de combler le déficit par un battage tous azimuts en déléguant, consciemment ou pas, la charge aux journalistes. L'affichage hystérique de posters et de listes qui enlaidit les rues de nos villes illustre parfaitement l'improvisation et cette lutte chaotique contre l'anonymat.