Ne dérogeant pas du tout à leur tradition, les Algérois ont boudé les urnes. Les membres de l'APW et des APC de la capitale ont été élus par une minorité d'électeurs, qui ont bravé le mauvais temps, pour donner leur voix aux candidats de leur choix. C'est connu et reconnu. Les Algérois ne sont point, par tradition, des électeurs assidus. Une désaffection avérée des politiques, toutes tendances confondues, a conforté cette attitude réfractaire aux urnes. Il était donc attendu un taux de participation relativement bas aux élections locales de ce 29 novembre, dans la capitale. Les fortes chutes de pluie, tombées sur la ville, notamment durant la matinée de jeudi, ont dissuadé de nombreux votants impénitents de faire le déplacement jusqu'aux centres de vote. Vers 10h, la chaussée de la Moutonnière se perdait, en plusieurs endroits, sous l'eau boueuse, créant des embouteillages sur quelques mètres. Une aubaine. Beaucoup d'automobilistes sont restés chez eux, semble-t-il, en cette journée chômée et payée gracieusement par une majorité d'employeurs (certaines entreprises publiques et privées n'ont pas libéré leurs salariés). En temps ordinaire, des précipitations pluviales qui durent plusieurs heures auraient provoqué des encombrements sur des kilomètres. Une occasion de constater, de visu, que les élus locaux ne remplissent pas leurs obligations envers la collectivité en entretenant, comme il convient, les regards d'évacuation des eaux pluviales. À quelques exceptions près, peu d'élus municipaux concrétisent les promesses faites lors des campagnes électorales. Encore moins d'administrés d'une commune sont en mesure de se rappeler les promesses de leurs auteurs. “Je ne connais pas le président d'APC sortant. Je ne me suis pas intéressée aux candidats pour le nouveau mandat. À quoi bon d'ailleurs, les élus ne changent pas notre vie”, témoigne une dame qui s'apprêtait à entrer dans un salon de coiffure à la rue Didouche-Mourad. L'artère commerçante manque de badauds. Presque le tiers des magasins est inhabituellement fermé. A contrario, l'avenue la Croix de Kouba grouille de monde. Mais là aussi, les électeurs ne se bousculent pas au portillon des écoles, reconverties pour l'occasion en centres de vote. “C'est à cause de la pluie”, nous explique un représentant du FLN dans cette circonscription. La météo, certes très peu clémente en cette fin de novembre, sert aussi, en début de soirée quelques heures après la clôture du scrutin, de prétexte au ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales pour justifier un taux de participation plus bas que celui enregistré au scrutin de 2002. “Le mauvais temps ne décourage pas celui qui veut réellement voter”, réplique le délégué du RND au centre Chatti-Faïrouz au belvédère de Baïnem. Dans ce centre, comme dans toute la commune, environ 25% des citoyens avaient accompli leur devoir électoral, au décompte de 17h. Sur le taux de participation, les appréciations divergent. Le tête de liste APC du RND optimise le score en l'estimant plus important que celui des législatives du 17 mai dernier. “C'est bien vide. D'habitude, il y a beaucoup plus de monde”, contredit un citoyen rencontré à la sortie d'un bureau de vote dans la même circonscription, dirigée durant les cinq dernières années par le FLN (le président de l'APC s'est porté candidat à sa propre succession). Dans la cour de l'établissement scolaire, un groupe de femmes discutent allègrement, leur carte de vote encore dans la main. “Je donne mon opinion, même si elle ne vaut rien”, nous dit l'une d'elles, une femme au foyer ayant atteint l'âge de raison. “Je ne suis pas satisfaite du travail des élus sortants, mais je suis venue voter quand même. C'est l'espoir qui nous ramène à chaque fois”, poursuit-elle avec une certaine philosophie. “Nous avons toujours voté FLN”, nous dit-elle en regardant ses copines (ou voisines). “Cette fois-ci, nous avons décidé de donner nos voix au candidat du RCD, car c'est quelqu'un du quartier. Nous le connaissons bien”. La particularité des élections pour le renouvellement des Assemblées populaires communales réside justement dans le fait qu'un candidat populaire a la capacité de fédérer les voix des électeurs de sa circonscription autour de la liste de son parti. C'est le candidat qui peut porter la formation politique à la gloire et non pas le contraire, comme c'est le cas pour les législatives. À Bologhine, le prétendant du RND à la présidence de l'APC, un fonctionnaire des postes et télécommunications, part favori des pronostics. Manque de chance, la circonscription n'enregistre pas une grande affluence des votants. “Comment et pourquoi aller voter au moment où des familles dorment dehors à cause de la pluie ?” s'interroge une jeune femme. Les pertes humaines (au moins 4 personnes décédées dont un enfant et des dizaines de blessés) et les dégâts matériels occasionnés par les intempéries, ayant sinistré durant la semaine écoulée, les wilayas du nord du pays, ont servi de démobilisateur de foule dans une fin de campagne électorale sans aspérité. Qu'importe qui gagnera la gestion du plus grand nombre d'APC ou d'APW ! Les citoyens, du moins ceux de la capitale, ne croient plus vraiment en des élus qui les ont accoutumés à ne pas s'occuper de leurs affaires ni à prendre en considération leurs préoccupations. Souhila H.