A Ben Aknoun, sur les hauteurs d'Alger, l'ambiance est plutôt morose en cette matinée électorale. Quelques poignées de gens s'agitent sous la pluie torrentielle qui en un laps de temps submergent les différentes artères de cette petite ville estudiantine. Quelques autres personnes profitent de cette journée « chômée et payée » pour se donner le plaisir de prendre un café en paix. Moins de monde dans les cafeterias. Moins de monde sur les trottoirs. Des jeunes s'amusent devant leur quartier aux Asphodèles, narguant tout le reste... Rien ne renseigne sur l'existence d'un scrutin, sinon les affiches des partis en lice qui couvrent encore quelques façades d'immeubles. Des agents d'entretien s'affairent à dégager la boue et à détourner les flaques d'eau stagnant sur la chaussée. Face au Lycée français et à quelques jets de la faculté de droit de l'université d'Alger s'érige le siège national du Rassemblement national démocratique, le RND, dont le secrétaire général est l'ancien chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia. A l'intérieur, l'ambiance est presque morne. Quelques militants se trouvent à l'accueil. D'autres au poste, au niveau de la cellule chargée du suivi du déroulement des élections à travers l'ensemble des wilayas. Perchée au 7e étage, cette cellule compte au moins une dizaine de personnes qui collectent auprès des bureaux régionaux du parti toutes les données liées à l'opération électorale. La coordinatrice du groupe, une femme d'une trentaine d'années qui préfère la discrétion, tire une satisfaction du taux de participation enregistré dans la matinée et estime qu'il avoisinera les 50% à la fermeture des bureaux de vote. Elle relève, entre temps, le calme et la sérénité qui « caractérisent » l'opération de vote dans la majorité des wilayas, sans pour autant faire l'impasse sur quelques petits dépassements « qui n'entachent cependant pas l'élection dans sa globalité » signalés par-ci et par-là, comme par exemple le retard dans l'ouverture de bureaux de vote, le manque de bulletins du RND dans certains centres de vote ou encore le non-respect du classement des bulletins dans certaines localités. Sans toutefois les citer. « Les cadres du parti se trouvent tous sur le terrain », nous apprend un militant figé devant l'écran de la télévision en train de suivre attentivement l'évolution de la participation qui est l'un des principaux enjeux de ce rendez-vous électoral. Derrière lui, un grand portrait du président Bouteflika est accroché au mur. La salle est calme comme tout l'immeuble. Si la direction nationale semble être déserte, l'ambiance est tout à fait contraire au sein du bureau de wilaya d'Alger où une autre cellule chargée de suivre l'opération électorale au niveau des différents centres de vote de la capitale est installée. Des cohortes de militants affluent au siège pour s'informer du déroulement du scrutin. Sedik Chihab, député et premier responsable du bureau de wilaya, Abdelkrim Harchaoui, député et ancien ministre des Finances, Hocine Hedjem, tête de liste APW Alger, ainsi que d'autres candidats et militants du parti sont là toute la journée. « La journée sera longue », nous dira M. Chihab, précisant que les représentants du parti sont présents en force sur le terrain et ne rentreront pas avant d'avoir les résultats. Au fur et à mesure que la journée avance, d'autres militants arrivent au bureau. « Ils veulent s'assurer que tout va bien », souligne-t-il avec un brin de fierté. Ancien vice-président du Conseil de la nation, M. Chihab, nous fait part de quelques dépassements, notamment à Oued Koriche où le nom sur les bulletins du RND était celui de la tête de liste du parti à Raïs Hamidou. Cette « erreur », explique-t-il, n'a été corrigée qu'aux environs de 13h30. Soit plus de cinq heures après l'ouverture des bureaux de vote. Il parle aussi de dépassements dans la commune de Hydra — qui abrite le siège national du FLN. Le chef du centre a laissé des gens voter avec des procurations signées par le maire sortant, fait-il remarquer, affirmant que les militants du RND « restent très vigilants » pour défendre leurs voix. Se référant à la campagne électorale, M. Chihab indique que son parti est « très bien placé » pour remporter haut la main une vingtaine de communes dans la capitale. « Nos candidats ont montré durant la campagne qu'ils sont meilleurs de par notamment leur programme », dit-il. Dans le couloir du siège, ça parle de tout entre militants et cadres. Une jeune candidate sur la liste APW cache mal sa peur : « Vous savez, nous avons fait une bonne campagne qui nous a permis d'attirer une bonne partie de la population algéroise. Nous sommes confiants en nos capacités, mais il y a risque qu'il y ait une politique de quotas qui jouerait en notre défaveur. » Ce sentiment de peur quant à un éventuel « détournement de voix » apparaît sur le visage d'autres militants et cadres. M. Chihab se montre plutôt confiant et affiche tant bien que mal un certain optimisme quant à l'issue de ce scrutin. A la fermeture des bureaux de vote, une ambiance fébrile règne au sein du siège. Le téléphone ne cesse de retentir. Et M. Chihab se trouve assailli par des appels incessants des observateurs du parti qui l'informent au fur et à mesure des résultats dans les différents bureaux de vote. Une information selon laquelle le RND n'obtiendra que huit APC à Alger fait monter la tension. Et on reparle du « système des quotas ». M. Harchaoui finit par lâcher : « Qu'ils nous donnent nos voix, c'est tout ce que nous demandons. » La soirée s'annonce ainsi longue, fatigante et pleine… de surprises. Et le bureau du RND à Alger ne désemplit pas.