Il n'y a pas eu de foisonnement d'études sur les migrations algériennes. Cette recherche est donc à saluer et, est la bienvenue. sous la direction du Professeur des universités, Guy Perville, le travail de Marion Camarasa s'inscrit bien au-delà du simple constat. Il remonte à la source de l'émigration depuis l'indépendance de l'Algérie avec, ici et là, des incursions historiques et sociologiques. C'est dire que l'Algérie, note-t-elle, est un « pays représentatif de la réalité mondiale » qui pousse, pour plusieurs et différentes raisons, des populations du sud à remonter vers le nord, à la recherche de nouveaux rêves. L'auteure distingue deux vagues d'émigration des Algériens au Canada : la première émigration, peu considérable, a pour la très grande majorité réussi son installation en terre québécoise. Son insertion dans le monde économique — qui passe nécessairement par le travail — s'est réalisée, et ces premiers émigrants, souvent des étudiants, occupent aujourd'hui des postes à responsabilités. L'émigration des décennies 1960-1980 s'est fondue pleinement dans la société québécoise qui a vécu, ces années-là, la Révolution tranquille et la revendication du fait francophone. Au tournant des années 1980-1990, la seconde vague d'émigrants a été la conséquence des crises dramatiques et successives qui ont secoué l'Algérie. Cette seconde vague d'émigrants encouragée par les autorités québécoises, a vu arriver des personnes très instruites dont nombre d'entre elles avaient effectué des études universitaires ou ont déjà occupé de hautes fonctions en Algérie. Cette seconde vague a ramené également dans ses bagages, explique Marion Camarasa, une culture, une compréhension et une approche du monde assez différentes de la mentalité nord-américaine. Ces Algériens portaient en eux les « fractures idéologiques et politiques de la société algérienne et n'ont pas surmonté ces déchirements dans l'émigration. » Camarasa relève à cet égard, même s'il faut nuancer, que « les bases d'un mouvement communautaire, selon les principes du multiculturalisme et de la vision anglo-saxonne de la société, n'ont pu être adoptées par les Algériens arrivés en grand nombre depuis la fin des années 1980 ». L'intégration associative L'intégration par le mouvement associatif : C'est pour arriver malgré tout à l'intégration dans la société d'accueil que les Algériens ont multiplié les associations et ont installé leur présence dans les médias, notamment communautaires. Ce monde associatif est le « miroir peu déformant de l'émigration, de sa complexité, de ses joies et de ses peines ». C'est un monde « hétérogène, très éphémère et fragmenté ». Très souvent, pour ne pas dire toujours, les « liens personnels et régionaux priment sur les liens communautaires ». Dans ce contexte, la solidarité d'abord est avant tout, une affaire personnelle, elle, a ficelé « une sorte de toile de relations en dehors des schémas préconçus du multiculturalisme ou de la convergence culturelle ». L'exercice de Marion Camarasa, un total de plus de 700 pages avec des annexes, s'achève en 2002. Elle n'a donc fait qu'esquisser, et c'est prémonitoire, dans une certaine mesure, le grand débat de l'heure sur les « accommodements raisonnables » qui relancent les questionnements et « les perspectives identitaires » québécois. La « communauté » algérienne qui est, on ne peut plus plurielle, est appelée à l'instar des autres communautés au Québec, à se définir et à se positionner. A moins que là encore, il s'agisse d'un choix personnel et de la place de chaque individu dans la société. Marion Camarasa conclut que l'Algérie de ce début du XXIe siècle n'apparaît plus comme « ce pays de juillet 1962, prometteur et libre, pour lequel le rêve de l'élaboration d'une société nouvelle, tolérante et généreuse était possible. S'il est une constante tant durant ces quatre décennies d'indépendance que tout au long de la colonisation française, c'est bien l'émigration et le besoin parfois même vital de quitter le pays ». Le phénomène migratoire a néanmoins évolué avec les événements récents. Marginal jusque-là, il a contribué « à désorganiser des pays entiers du monde universitaire, économique et technique algérien ». Mais c'est là, une autre histoire évoquée parfois et souvent superficiellement, dans des colloques à Alger et qui mérite une recherche approfondie de l'intérieur. A propos de l'auteure, Marion Camarasa a déjà travaillé dans le cadre de sa maîtrise sur le thème de l'exil et l'accueil des démocrates algériens à Toulouse, en France, en 2000 : « Ayda Toulouse, une aventure de solidarité, histoire d'une association de soutien aux démocrates algériens 1994-1999 », un mémoire de maîtrise préparé sous la direction de Djamila Amrane. A travers l'association Ayda, elle a retracé une part de l'histoire de ces Algériens qui ont trouvé refuge en France au plus fort du déferlement de la violence qui a endeuillé l'Algérie dans les années 1990. Cette recherche est consultable sur Internet (1). La Movida algérienne Elle comprend d'autant mieux le problème de l'exil, qu'une partie de sa famille, devant la folie des hommes, a dû fuir l'Espagne l'hiver 1939. C'était la retirada, la « retraite » en espagnol, terme, certes faible, qui désigne une émigration forcée qui avait poussé des centaines de milliers d'Espagnols républicains à fuir la dictature franquiste et à traverser les Pyrénées. Ce n'est donc pas sur un terrain vierge et inconnu que Marion Camarasa(2) s'est aventurée en abordant la situation des Algériens émigrés au Canada. Sa thèse(3) peut être consultée à la Bibliothèque de Toulouse le Mirail et on peut en faire une demande pour consultation dans le cadre des échanges interuniversitaires. (1) http://members.aol.com/marioncamarasa/maîtrise.htm (2) coordonnées de l'auteure : [email protected] (3) Un voyage par-delà la Grande Eau : Des Algériens au Pays de l'Erable ou la Méditerranée sur les rives du Saint-Laurent — Etude de cas — une histoire de l'émigration algérienne au Canada (1962-2002), Université de Toulouse le Mirail, France, 2007.