Des chercheurs venus du pourtour méditerranéen se sont rencontrés à l'Ecole régionale des Beaux Arts, afin de débattre d'une stratégie de développement durable de ces terres d'apparence infertile. Les sols à forte teneur en sels ne doivent plus être considérés comme une fatalité et encore moins un facteur de régression pour les populations qui vivent dans et autour de ces espaces. C'est armés de quelques convictions tirées du vécu séculaire de ces populations que des chercheurs, venus du pourtour méditerranéen, se sont rencontrés à l'Ecole régionale des Beaux Arts de Mostaganem, afin de débattre d'une stratégie de développement durable de ces terres d'apparence infertile. L'intérêt porté par des scientifiques français et Maghrébins au devenir des zones humides, dont la principale caractéristique est la présence dans les eaux d'irrigation ou dans les sols de teneurs variables en sels dissous. Cette préoccupation est partagée par des centres de recherches en France, au Maroc, en Algérie et en Tunisie. C'est à partir des études effectuées dans ces régions, où l'homme aura maintenu des pratiques culturales et d'élevage ancestrales, que ces scientifiques tentent de comprendre la dynamique du sel et sa relation avec le milieu. Cette rencontre aura permis dans un premier temps, à des étudiants de Tunisie et d'Algérie, de présenter, sous les regards scrutateurs et attentifs d'éminents chercheurs, leurs travaux de master. Pour les Tunisiens Insaf Mekki, Imed Benaïssa, Wafa Ghazouani et Ahmed Belouazzani, leurs réflexions et études concernent exclusivement le devenir de l'oasis de Fatnassa, dans le sud tunisien. Caractérisée depuis des siècles par une agriculture familiale qui s'articule essentiellement sur le palmier dattier, cette pratique culturale ancestrale est pratiquée par des familles dont la croissance démographique naturelle se traduit par un morcellement récurrent de la propriété foncière. Le milieu apparaît sous la forme d'une plaine bâtie sur une nappe aquifère à la salinité éprouvée. C'est le rapport entre les fellahs, le sel et l'eau, par l'intermédiaire des pratiques culturales, qui est mis sous les projecteurs par cette équipe qui bénéficie du soutien et de l'encadrement de chercheurs français, dont un groupe relevant à la fois du Cémagref et du Cirad de Montpellier, où l'on note la présence active de Vincent Bernard, Sami Bouarfa, Marcel Kuper et Serge Marlet. Le groupe algérien s'intéresse en priorité à l'agriculture dans le périmètre du bas Chéliff, où les terres salines sont souvent mises en culture, soit en utilisant les eaux douces mais chargées de l'oued Chéliff, soit, en cas de sécheresse avérée, en recourant à des pompages à partir de la nappe, dont la partie supérieure ne produit que de l'eau saumâtre, alors que les nappes plus profondes donnent une eau douce. Ce groupe est articulé autour d'enseignants chercheurs chevronnés, à l'image de Abdelkader Douaoui, un spécialiste des sols salés qui aura produit une thèse sur la gestion de la salinité dans le Bas-Chéliff, et le Dr Tarik Hartani, responsable du département hydraulique à l'INA d'Alger. Cette équipe restreinte encadre un groupe de stagiaires dont les travaux de master et de thèse de doctorat portent exclusivement sur cette zone qui s'étale de Oued Djemaa à Boukadir et qui se singularise par la présence de la Merdja de Sidi Abed. Le retour du Violet d'Alger Une immense retenue d'eau qui est alimentée par un système de prise en amont, à partir de l'oued Chéliff et qui permet d'emmagasiner jusqu'à 45 millions de m3 d'eau ; servant exclusivement à l'irrigation des cultures maraîchères et des fourrages. C'est grâce à cette réserve, œuvre des premiers pionniers algériens de l'hydraulique durant les premières années de l'indépendance, que des centaines d'agriculteurs parviennent à maintenir et à développer la culture de l'artichaut, dont la tolérance à la salinité ne fait plus aucun doute. C'est pourquoi, malgré la pluie battante, l'ensemble des participants se rendra sur la zone pour y rencontrer ces agriculteurs qui tentent depuis plusieurs années de redonner une certaine vigueur à la culture de l'artichaut. Après plusieurs années de déboires et de contre performances, Miloud et Lakhdar seront très heureux de montrer à leurs hôtes leur champ d'artichaut où poussent fièrement le Blanc Oranais et le Violet d'Alger. Deux variétés vedettes dont la dégénérescence aura totalement compromis cette culture à travers le pays. C'est à partir de l'Espagne que ces agriculteurs émérites seront parvenus à ramener des plants qui font actuellement la fierté de toute la région. Mis en culture non loin des variétés locales totalement rabougries par des pratiques culturales désuètes, leurs artichauts ont plutôt belle allure. C'est non sans fierté que Miloud, qui est également président de la chambre d'agriculture de Relizane, parlera de cette expérience, dont il envisage l'extension à tout le périmètre. Relayé par son compagnon, ils diront leur espoir de parvenir à exporter leur production sur le marché français. De retour à Mostaganem, la délégation se remettra au travail afin de déterminer la stratégie d'étude de cette dynamique des sols salés au maghreb. Le projet qui est soutenu financièrement par le programme SIRMA, devrait se traduire par la production de publications et de thèses de master et de doctorat. Ce travail d'envergure devrait permettre de répondre à la question de la représentation du fonctionnement d'un périmètre irrigué confronté à des problèmes de salinité. Il aura pour finalité de concevoir une démarche méthodologique pour renseigner cette représentation de façon efficace (échelles de temps et d'espace pour les dynamiques de nappes, de sols, d'irrigation et de drainage, assolements, pratiques culturales…). Pour y parvenir avec un maximum d'efficacité, les scientifiques réunis à l'Ecole des Beaux arts de Mostaganem auront convenu de concevoir une démarche combinant à la fois des enquêtes, des observations -y compris par des études bibliographiques- et des mesures que le recours aux photos satellites et leur interprétation sur le terrain permettra de valider avec rigueur. Cette démarche permettra de mettre en regard des résultats obtenus dans les différentes approches. Une première évaluation devrait intervenir en mai de l'année prochaine. Cette rencontre sera également l'occasion pour de nombreux spécialistes des sols salés de mettre en partage leurs connaissances de ce milieu bien particulier où l'homme tente avec parfois beaucoup de bonheur de dompter le sel de la terre. Les expériences en cours à travers le monde mais également dans les espaces maghrébins devraient inciter à l'optimisme. A l'unique condition que la finalité serve l'homme sans desservir son environnement.