Désespéré de ne pas voir le bout de la trémie et de regarder ses enfants grandir de travers, avec des épaules en baisse et une tête alvéolaire, Douk le Sage a été consulté Mamma Bekri, la meilleure chouafa du pays. Voilà ce qu'elle lui a dit, bien que le secret professionnel nous interdise d'en parler. « En 2010, l'Algérie sera toujours gouvernée par téléphone et aura un nouveau président qui ressemblera étrangement à l'ancien, qui lui-même ressemblait déjà étrangement à un ancien ministre des années 1970 ». « Tout cela est vieux, très vieux, a murmuré Douk le Sage. Mais est-ce vrai que c'est dans les vieilles marmites que l'on fait les plats les plus frelatés ? Si l'Algérie est gérée par téléphone, quel en sera l'opérateur ? Privé ou public ? » « En 2010, les Chinois étant partis, usés et fatigués, des Indonésiens importés de Djoudj et Madjoudj viendront finir le 1 million de logements que personne n'a réussi à commencer. En 2010, il aura beaucoup plu, mais les barrages seront toujours aussi vides et les robinets encore à sec. En 2010, il y aura de l'argent mais sans richesses, des travailleurs mais pas de travail, des mafieux mais sans mafia, des juges mais sans justice, des professeurs mais sans éducation, des policiers mais sans sécurité, des médecins mais pas de santé. En 2010, le terrorisme sera résiduel mais ne tuera encore que des résidus d'Algériens. » Mamma Bekri, a demandé Douk le Sage, et mes enfants ? « En 2010, les enfants seront attachés à la terre ferme pour ne pas qu'ils s'enfuient par mer. » Douk le Sage a sorti alors une vieille mahchoucha achetée à un vieux repenti et a tiré sur la vieille voyante. Un crime temporel selon la police scientifique, qui ne s'est pas déplacée sur les lieux. Quand le futur est si triste, mieux vaut tuer les prophètes, casser les sondages et éliminer les prospectives. On est si bien dans le présent