La globalisation conduira-t-elle vers la disparition des Etats ? La souveraineté nationale existe-t-elle encore dans l'ère de la mondialisation ? C'est à ces questions et à autant d'autres qu'ont tenté de répondre les participants au Colloque international sous le thème « L'Etat nation à l'heure de la mondialisation », ouvert hier à la Bibliothèque nationale d'Alger et dont les travaux se termineront aujourd'hui. Organisé par l'Association algérienne pour le développement de la recherche en sciences sociales, en collaboration avec la fondation Rosa Luxembourg d'Allemagne et le soutien d'El Watan, ce colloque a été une occasion aux participants de revenir sur les bienfaits et les méfaits de la mondialisation et la menace qui pèse sur les pays non développés. Ahmed Benbitour, économiste et ancien chef de gouvernement, a axé son intervention sur les changements rapides que connaissent les sociétés d'aujourd'hui et qui sont essentiellement le fruit ou la conséquence directe de l'accélération de l'évolution et du développement des technologies de l'information et de la communication. Il souligne que le « made in » a tendance à disparaître du marché international et que le savoir se globalise, comme l'enseignement, grâce notamment à l'internet. Autant de facteurs qui font que ceux qui n'accrochent pas leurs wagons et ne suivent pas cette évolution resteront « très loin en arrière ». Autrement dit, si les pays qui sont actuellement à la traîne ne font rien pour sortir du système rentier et de s'imposer sur le marché mondial par leurs produits et leur savoir-faire, ils risquent de rester sous-développés pour toujours. Effleurant le cas algérien dont le secteur économique se trouve complètement déstructuré, M. Benbitour revient avec insistance sur la question de compétitivité aussi bien sur le marché intérieur que le marché extérieur. L'Algérie qui subit la globalisation peut en devenir un acteur en se frayant une place sur le marché international. M. Benbitour cite comme exemple les pays de l'Asie de l'Est (la Chine, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Singapour…) qui ont réussi une prouesse en se transformant en un laps de temps très court en des géants de l'industrie. Le miracle de ces pays de l'Est asiatique a été réussi, explique le conférencier, grâce notamment à l'organisation du travail, à la formation des gestionnaires, à la responsabilisation des ménages et le partage des fruits de la croissance. Pour étayer davantage son analyse, M. Benbitour fait le parallèle entre deux pays africains : Centrafrique et l'Afrique du Sud. L'un stagne ou recule, l'autre avance et suit le rythme imposé par la globalisation. Ainsi, dira-t-il, en 1965, le PIB au Centrafrique était de 420 dollars, alors qu'il était seulement de 360 en Afrique du Sud. En 2000, il était de 240 dollars au Centrafrique et de 10 000 dollars en Afrique du Sud. Cela illustre, d'après lui, la différence entre le pays qui a su transformer le système libéral en sa faveur et celui qui en a fait l'une des causes de son appauvrissement. Frank Renken, collaborateur au Parlement fédéral d'Allemagne, n'est pas de ceux qui considèrent la globalisation comme une forme de destruction de l'Etat nation. S'interrogeant dans sa communication si la mondialisation va faire disparaître l'Etat en tant qu'acteur économique, M. Renken répondra par la négative. Pour lui, même si les multinationales accaparent une grande partie de la richesse mondiale et prennent le monopole dans certains secteurs d'activité au sein même de nombreux pays (comme c'est le cas en Allemagne dans le domaine énergétique), il reste que le rôle des Etats est important dans l'acquisition de ces marchés. Il explique qu'il existe beaucoup de multinationales qui appartiennent à des Etats et non pas à des individus. Pour mieux cerner son idée, M. Renken évoque le cas des contrats d'armes qui sont négociés d'Etat à Etat au bénéfice. Cela prouve que le rôle de l'Etat reste déterminant dans l'économie de marché, conclut-il. Hamid Aït Amara, économiste et enseignant à l'université d'Alger, se montre très alarmiste et considère la mondialisation comme destructeur d'Etats en faveur d'autres Etats. Pour lui, la globalisation ne fait que saper les fondements de l'Etat nation en renforçant l'hégémonie des puissances économiques au détriment de l'intérêt des peuples. Il évoque aussi le phénomène de la délocalisation des entreprises qui privent de travail, souligne-t-il, un certain nombre de personnes, ce qui lui fait dire que la mondialisation n'est qu'« un impérialisme nouveau ». M. Aït Amara appuie son analyse par des chiffres, précisant que les USA bénéficient de 350 milliards de dollars en transferts de profits engrangés par les multinationales américaines. Le laboratoire Pfizer, à lui seul, transfère annuellement plus de 36 milliards de dollars de profits. Cela au moment où un pays comme l'Algérie importe presque tout, pour une valeur annuelle dépassant les 23 milliards de dollars. Certains intervenants se sont demandés s'il y a une stratégie que pourrait adopter l'Algérie pour arracher une place dans cette mondialisation.