Le vol et le trafic de véhicules ont atteint le seuil de l'intolérable, en devenant un des maillons forts du crime organisé. Une étude de la Gendarmerie nationale, rendue publique hier, fait état d'une recrudescence de cette forme de criminalité responsable de la disparition de pas moins de 18 497 véhicules entre 2000 et 2007. Alger se classe en pole position des wilayas du pays les plus touchées par le vol de véhicules ces dernières années, avec un total de 4027 voitures chapardées, suivie de Tizi Ouzou avec 1314 cas, et Oran 924. Les dix premiers mois de l'année en cours dénotent d'une nette progression de cette forme de criminalité qui continue de connaître une ascension inquiétante. Pas moins de 1327 affaires liées au trafic de véhicules ont été traitées cette année, contre 488 affaires durant la même période en 2006. Le début de l'année en cours a vu l'arrestation par les services de la Gendarmerie nationale de 1609 personnes et la saisie de 1424 véhicules. Etroitement lié au trafic de documents, à la contrefaçon des numéros d'identification et au trafic de stupéfiants et terrorisme, le vol de véhicules est favorisé par l'existence d'une logistique bien ficelée. Ce trafic aux multiples tentacules repose sur le vol du véhicule en premier chef, son désossement et morcellement pour être revendu en pièces détachées, ou encore le changement de son numéro de châssis devant lui permettre de rouler avec de vrais faux documents. Ces derniers sont l'œuvre d'agents de l'administration indélicats qui, se faisant complices de ce mouvement criminel, participent à maquiller l'identité des voitures (carte grise, document de dédouanement, acte de vente, licence de moudjahid) et facilitent leur diffusion sur le marché. La Gendarmerie nationale a réussi à mettre la main sur 180 de ces employés dont 12% arrêtés durant les dix premiers mois de l'année 2007, appartenant soit à la DRAG, à l'APC ou étant des ingénieurs des mines. L'étude de la gendarmerie révèle que les véhicules susceptibles d'être falsifiés demeurent les véhicules anciens ou accidentés ainsi que les véhicules volés. Comme tout crime transnational, le trafic de véhicules est l'œuvre de filières dépassant les frontières d'un seul pays. Ainsi pour le cas de l'Algérie, comme souligné dans le document de la Gendarmerie nationale, ce type de trafic se fait par voie maritime ou terrestre à travers les frontières grâce à la complicité des autorités des pays voisins et des services des douanes. Même durant les années 1980, ce type de trafic était légion, où des passeurs convoyaient des véhicules vers le Maroc et la Tunisie pour être vendus au marché noir. Aujourd'hui, le développement des moyens techniques a eu pour effet de faire passer maîtres les trafiquants dans l'œuvre du maquillage des véhicules volés. L'étude révèle en outre qu'une des raisons de la prolifération du trafic de véhicules en Algérie se situe dans la transition d'une économie dirigée vers une économie de marché qui a incité d'une part « les couches démunies à utiliser des méthodes illicites afin d'améliorer leur revenu », mais aussi a permis l'augmentation du nombre de véhicules importés par des privés qui ne sont pas toujours respectueux des lois. Fausses déclarations et trafic de véhicules volés dans des containers, sous forme de pièces détachées, deviennent un des aspects répandus de ce crime. L'Algérie appartient à un environnement mondial sujet à une hausse du mouvement de trafic de véhicules. Des statistiques révèlent qu'un véhicule est volé toutes les dix secondes dans le monde, soit 3 millions de véhicules volés en Europe par an. Afin de faire face à cette forme de crime organisé, la Gendarmerie nationale envisage d'intensifier le contrôle routier pour les véhicules suspects ou présentant des anomalies, et de poursuivre les investigations jusqu'à l'identification des auteurs du vol. Tout en comptant sur la collaboration d'autres services de sécurité, la gendarmerie invite les citoyens, victimes de ce crime ou constatant un achat douteux de véhicules, de déposer plainte en temps réel.