La chute sensible des actes terroristes a levé le voile sur une croissance exponentielle de la petite criminalité, notamment dans les grandes villes où les agressions et les vols sont devenus le lot quotidien des citoyens. La culture de la violence s'est tellement répandue qu'elle a atteint les milieux censés être les plus protégés, comme les écoles et la famille. Une situation alarmante qui a poussé le chef de l'Etat à profiter de l'ouverture de l'année judiciaire, en 2005, pour reconnaître l'échec des services de sécurité dans la lutte contre le phénomène en affirmant : « Le banditisme a connu une recrudescence alarmante à l'ombre des désordres induits par la situation d'insécurité que nous avons vécue et il doit être combattu avec la plus grande rigueur. » Un constat qui donne froid dans le dos, mais qui a permis aux plus hautes autorités de revoir leur politique de lutte contre la criminalité. Moins d'une année plus tard, un comité composé de représentants de tous les ministères concernés (justice, intérieur et collectivités locales, défense nationale, solidarité nationale, finances et jeunesse et sports) a été installé pour réfléchir à une stratégie de lutte contre le phénomène. Un vrai remue-ménage a été opéré dans les services chargés de cette lutte. Ainsi, la Direction générale de la sûreté nationale a connu de nombreux changements dans ses services de police judiciaire. Ce n'est qu'à partir de 2005, a-t-il ajouté, que les autorités ont sérieusement mis le paquet pour rattraper ce retard en mettant l'accent sur l'action de la Gendarmerie nationale et de la Sûreté nationale. Un plan d'action s'étalant sur 5 ans (2006 à 2010) visant le renforcement de la sécurité à travers le déploiement au minimum d'un groupement de gendarmerie pour chaque commune d'Algérie, de deux ou trois lorsqu'il s'agit de circonscriptions à faible densité. De même que la présence d'un poste de police pour chaque daïra, sachant que vers la fin de 2005, seules 347 daïras en étaient pourvues, sur un total de 553 daïras. Dans le cadre de ce programme, 56 nouvelles unités de gendarmerie ont ainsi été créées (depuis 2006) et autant d'unités de sûreté urbaine, alors qu'il est escompté la mise en place de 455 autres unités de gendarmerie au niveau national. En parallèle, une restructuration des services de la police judiciaire a été décidée. C'est ainsi qu'un bureau de recherche et d'investigation (BRI), chargé de lutter contre la criminalité organisée ou le grand banditisme, a vu le jour. Choisis parmi les meilleurs agents et officiers de la police judiciaire, les 180 éléments composant actuellement ce BRI agissent souvent sur initiative lorsqu'ils sont informés d'une affaire importante qui a des retombées sociopolitiques ou sécuritaires. Le BRI a eu à traiter de nombreux dossiers, dont celui du vol d'armes de l'armurerie du commissariat central d'Alger ou encore celui du trafic de véhicules lié aux attentats suicide. Doté de moyens conséquents, il a réussi, selon le commissaire principal, Soualhi, de la direction de la police judiciaire, « à élucider des affaires complexes ». Pour l'officier, le redéploiement des structures de la police judiciaire, à travers notamment la création à Alger de trois divisions (Est, Ouest, Centre) et la mise en place de groupes mobiles de lutte contre la criminalité (Gmac), a eu des retombées positives sur le terrain. La criminalité a connu une baisse sensible dans les grandes villes. Une réalité confirmée par la cellule d'étude et d'analyses criminelles, un autre service renforcé en 2006 pour analyser les états des affaires enregistrées au niveau des 48 sûretés de wilaya et alerter sur un quelconque phénomène lié à la criminalité et qui pourrait avoir des incidences sur la sécurité publique. Du côté de la Gendarmerie nationale, les responsables ont annoncé une couverture sécuritaire à hauteur de 98% grâce à la mise en place de 299 nouvelles brigades dans les deux prochaines années alors que 144 postes de surveillance (SSI) seront érigés dans les zones dites d'insécurité. « Le taux de couverture sécuritaire a atteint aujourd'hui environ 85%, ce qui a permis l'obtention de résultats probants dans le cadre de la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes », ont signalé nos interlocuteurs. Le colonel Ayoub, chargé de la communication, a pour sa part affirmé que la gendarmerie a axé ses efforts autour « du développement des capacités de la police judiciaire pour les adapter continuellement aux différentes formes de la criminalité (...) et du renforcement des unités de recherche et des unités spécialisées chargées de la lutte contre les formes dangereuses du crime organisé, à travers le service central des investigations criminelles, lequel est relayé par les services régionaux de police judiciaire ». En outre, les deux services de police et de gendarmerie ont reconnu que les opérations de contrôle d'identité menées conjointement depuis octobre 2006 dans les zones qualifiées de point rouge, en raison de la forte activité criminelle, se sont avérées « très positives ». Pour le commissaire principal Soualhi, elles ont permis de « mettre la pression d'un côté et de faire dans la prévention de l'autre. Les chiffres de la criminalité pour l'année 2007 et le début de 2008 montrent une baisse importante de l'activité criminelle ». Le commissaire a estimé que cette baisse a concerné aussi la petite criminalité, surtout depuis la décision prise par les autorités judiciaires pour aggraver les peines pour cette catégorie de délinquance, mais aussi l'éloignement des détenus de leur lieu de résidence. « Vous avez dû remarquer que les vols à la tire ont sensiblement diminué dans la rue où la sécurité a été renforcée par des patrouilles pédestres, d'agents en civil, mais aussi d'agents circulant à bord de motocycles. » Les résultats de ce dispositif sont perceptibles à travers les statistiques de la criminalité qu'elles soient établies par la gendarmerie ou par la police. Ces chiffres montrent une baisse de l'ordre de 5% dans les villes et d'environ 10% dans les campagnes entre 2006 et 2007. Ainsi, 127 042 crimes ont été enregistrés en 2006 dans les villes contre 121 243 l'année suivante. En milieu rural, le chiffre a baissé à 37 000 crimes en 2007 contre 39 183 en 2006. Le taux des délits pour 1000 habitants en milieu urbain semble suivre une courbe décroissante puisqu'en 2005 il était de 4 pour 1000 habitants, de 3,7 en 2006 et de 3,5 en 2007. Les statistiques varient d'une ville à une autre et c'est Annaba qui se place à la tête des villes les moins sécurisées d'Algérie avec 9,5 crimes pour 1000 habitants, suivie d'Alger avec 7,4 puis de Constantine avec 6,5 et d'Oran avec 5,5 crimes pour autant d'habitants. Néanmoins, toute cette politique menée en aval par les services de répression reste compromise à défaut d'une politique socioéconomique menée en parallèle en direction des jeunes. Les problèmes de chômage, de violence, de logement, de misère sociale, auxquels les jeunes restent confrontés, les poussent nécessairement vers la délinquance juvénile, à défaut d'arracher une place sur les navires de la mort des réseaux de harraga.