La polémique n'a pas cessé d'enfler au lendemain de la visite de Kadhafi en France. Lundi, l'Elysée a convoqué Rama Yade après ses critiques acerbes proférées contre le leader libyen. Paris : De notre bureau La secrétaire d'Etat aux droits de l'homme a, en effet, déclaré dans une interview accordée au journal Le Parisien : « Notre pays (la France, ndlr) n'est pas un paillasson. Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort. » Des propos qui ont choqué le parti de la majorité gouvernementale (UMP), mais qui étaient du goût de Bernard Kouchner. Le ministre français des Affaires étrangères, absent « par un heureux hasard » au dîner donné hier soir en l'honneur de l'homme de Tripoli, a jugé que sa consœur au sein du gouvernement « avait raison de parler ainsi ». Mais le parti du président Sarkozy n'a pas manqué de montrer une certaine irritation vis-à-vis de la tournure prise par les événements. Hier, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et également président du groupe parlementaire France -Libye, a avoué sur Europe 1 « ne pas comprendre que des ministres du gouvernement se livrent aux déclarations auxquelles on assiste, que ce soit Mme Rama Yade ou M. Kouchner ». « Je pense qu'il est regrettable que des membres du gouvernement fassent des déclarations qui vont à l'encontre de la politique voulue par Nicolas Sarkozy », a-t-il déclaré avant d'ajouter : « Je n'ai pas de conseils à donner au président de la République, mais ceci est inacceptable, et je suis convaincu que le gouvernement et le président feront ce qu'il y a à faire. » Dans le camp adverse, c'est le branle-bas de combat. Tous les moyens étaient bons pour torpiller la visite du leader libyen. Lundi, Jean-Marc Herault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, a demandé l'annulation de « la visite inacceptable » que comptait faire Kadhafi dans ladite assemblée. « Si le colonel Kadhafi veut être invité, il doit mettre fin à son système d'exactions. Il doit cesser de promouvoir, en actes et en paroles, le terrorisme international », a fait savoir le député-maire de Nantes. La société civile n'est pas restée à l'écart de cette polémique qui semble prendre une tournure gênante pour le président Sarkozy. Hier matin, une association antinucléaire, basée à Bordeaux, a déposé une plainte contre Kadhafi auprès du procureur général de Paris pour « tortures dont ont été victimes les otages bulgares ». Des actes reconnus, selon le président de l'association, par le fils de Mouammar Kadhafi lui-même en août dernier. Elle a également demandé au procureur de « faire procéder » à l'arrestation du dirigeant libyen lors de son séjour parisien. « Nous attirons votre attention sur le fait que Mouammar Kadhafi n'est pas couvert par une immunité en tant que chef d'Etat, puisque, dans son pays, il ne bénéficie pas formellement d'un tel statut et est seulement qualifié de ‘'Guide'' », ajoute l'association. La plainte a peu de chances d'aboutir.