Ecoliers, travailleurs, chômeurs, ils étaient des centaines à bloquer hier, vers 9h15, la RN 5A reliant Oued Athmania au chef-lieu de wilaya, Mila, et qui passe par le centre de la commune de Sidi Khelifa. De guerre lasse, la population a investi pour la énième fois ce tronçon routier qu'ils fermeront à la circulation à l'aide de blocs de pierres et de portions de trottoirs, suite « aux vibrations telluriques répétitives qui se sont produites à deux reprises, à 23h dimanche dernier, suivies de plusieurs répliques successives, dont la plus importante a eu lieu à 8h40, dans la matinée de lundi », nous ont déclaré des citoyens questionnés sur place. Les habitants de la commune de Aïn Tine, apprend-on d'autre part, monteront au créneau eux aussi vers la mi-journée en coupant au trafic routier la RN 79 reliant Constantine à Mila. Le phénomène de l'intense activité parasismique ressentie dans les régions de Sidi Khelifa et Aïn Tine est due, selon l'avis des spécialistes, à la cadence exponentielle du volume de pompage des eaux du barrage de Beni Haroun vers le barrage-réservoir de Oued Athmenia, via les 5,9 km de canalisations transitant par le tunnel de Djebel Lakehal et où les fuites d'eau décelées sont de l'ordre de 35%. Aggravée par la consistance calcaire de la montagne, l'accumulation des pertes d'eau au niveau des strates souterraines provoque des chasses d'air qui se manifestent sous forme de mouvements sismiques. Par ailleurs, selon l'APS, « les autorités locales et les responsables du secteur de l'hydraulique, sans rejeter la possibilité d'une corrélation entre l'activité sismique enregistrée dans la région au cours de ces derniers jours ainsi que la secousse tellurique (3,3 degrés) de lundi (matin) et l'apparition des fuites, ont informé la population de la décision d'arrêt temporaire du pompage à partir de la grande station de douar El Bidi ». Mines déconfites, rage mal contenue, des centaines de personnes se sont agglutinées au milieu de la chaussée pour dissuader toute circulation sur cet itinéraire, au moment où les files des routiers et des automobilistes parqués sur les deux sens s'étirent. Entre temps, le bureau du P/APC grouille de monde, contenant mal le trop-plein de citoyens qui y ont pris place, exigeant mordicus l'arrêt immédiat du pompage et la sécurisation des habitants. Ni les assurances verbales signifiées par le maire de Sidi Khelifa ni les engagements du chef de la daïra de Mila, quant à la satisfaction de cette doléance, n'ont eu raison de la ténacité des contestataires qui revendiquent la présence du wali. L'arrivée, quelque temps après, du directeur de l'hydraulique, Kamel Kaouche, a relativement tempéré les ardeurs. « Nous avons engagé des pourparlers étroits avec le ministère des Ressources en eau. De ce fait, nous nous engageons à rassurer la population qu'à compter de ce jour, il n'y aura plus de pompage jusqu'à la résolution finale du problème des vibrations récurrentes », a-t-il affirmé. Et de poursuivre : « Avec un taux de remplissage du barrage tampon de Oued Athmenia de l'ordre de 16 millions de mètres cubes d'eau, moins les 3 millions de mètres cubes de volume mort, nous disposons d'une autonomie de plus de 130 jours, ce qui n'altère en rien l'alimentation du Constantinois et, d'autre part, permet aux transalpins de l'entreprise Condotte de remédier aux énormes déperditions relevées sur les canalisations à l'intérieur du tunnel, en plus de l'arrivée, le 14 courant, d'une équipe d'experts belges et suisses pour un diagnostic précis sur le terrain. » La tentative du maire de ramener les protestataires à de meilleurs sentiments et dégager la route n'aura aucun effet sur ces derniers. La venue du wali est revendiquée derechef. 13h. La route est encore bloquée. Une population traumatisée Accosté à hauteur du centre de santé par un groupe de fonctionnaires, B. Amar nous déclare tout de go : « Puisque vous êtes de la presse, informez SVP les responsables sur l'urgence d'une solution à ce sacré barrage. Nos femmes, nos enfants et nos parents vivent la terreur au quotidien. Venez voir la fréquence des personnes malades et des enfants en bas âge évacués vers les hôpitaux pour mesurer l'ampleur de la psychose que nous endurons. » Y. Ayoub, père de famille, abonde dans le même sens en jurant qu'à maintes reprises ses deux enfants de 3 et 4 ans et demi se réveillent épouvantés au milieu de la nuit criant, « papa, papa, la maison va s'écrouler sur nous ». « Les responsables ont caché la vérité au président de la République en minimisant l'impact des défaillances constatées sur le barrage qui risque de causer une véritable tragédie humaine », diront de leur côté K. Mouloud et D. El Mouled, enseignants de fonction. Les citoyens approchés ont unanimement souligné qu'ils vivent au cœur de la terreur chaque fois que des secousses et des boums se produisent. La panique est telle que de nombreuses familles, question de survie oblige, désertent de nuit leurs habitations qui menacent de s'effondrer. Face aux dizaines d'évacuations, une cellule de proximité et de veille a été créée au centre de santé et des psychologues du secteur sanitaire de Mila sont dépêchés sur les lieux pour la prise en charge des sujets traumatisés. En tout état de cause, la panique et l'angoisse étaient perceptibles sur les visages des riverains et des ambulances continuaient de sillonner la localité pour assurer les secours. Vers 16h, intransigeante sur le préalable de prendre langue avec le wali, la population bloquait toujours la route.