La décision du gouvernement italien de nommer, comme nouvel ambassadeur d'Italie à Alger, un diplomate qui ne vante pas une longue carrière diplomatique dans les capitales arabes a été interprétée par les experts des relations italo-algériennes comme étant la preuve de la satisfaction des autorités italiennes de la qualité des liens qui lient Rome à Alger, mais aussi comme une volonté tacite d'alléger les relations bilatérales des pesanteurs d'un passé empreint par les reproches et le ressentiment des Algériens pour la rencontre de médiation avortée de Sant'Egidio et les positions jugées « ambiguës » d'une partie de la gauche italienne. Mais son excellence Cantini, étranger à tout cela, est résolu tout de même à ne pas vivre que sur la rente du capital « sympathie et confiance » cumulée par ses prédécesseurs.Dans les officines du ministère des Affaires étrangères italien, l'Algérie a déjà des alliés potentiels et non des moindres, comme le vice-ministre des Affaires étrangères, Ugo Intini, qui connaît l'Algérie du temps où il était porte-parole du gouvernement socialiste de Bettino Craxi et qui a effectué une visite à Alger l'été passé. Par ailleurs, l'un des quatre secrétaires d'Etat du ministère n'est autre que Vittorio Craxi, fils de l'ancien président du Conseil italien, connu pour ses positions pro-arabes, parfois exprimées avec maladresse, et cordialement détesté pour cela par les puissants lobbies romains inconditionnellement alignés sur la politique israélienne. Quant au maître de la Farnesina (palais du ministère des Affaires étrangères italien), Massimo D'Alema, il traîne derrière lui son passé de « communiste ami des Palestiniens » et semble résigné depuis longtemps à ne plus s'employer à trouver grâce aux yeux de ses détracteurs. C'est d'ailleurs sans complexe qu'il a accepté d'arborer le keffieh palestinien qui lui a été offert par les organisateurs de la journée mondiale de solidarité avec le peuple palestinien, célébrée le 29 novembre dernier, avant de l'ôter pour « parler comme un ministre », affirma-t-il . Brimée par la place que des poids lourds de la diplomatie européenne, comme la France et la Grande-Bretagne et plus récemment l'Allemagne, occupent sur la scène internationale, l'Italie sait que ses cartes maîtresses restent son précieux capital de bonnes relations avec l'ensemble des pays arabes et des autres pays du sud de la Méditerranée. « Heureusement, nous n'avons pas de contentieux historiques avec l'Algérie », se réjouit le nouveau maître de l'ambassade d'Italie à Alger. Un diplomate sans idées préconçues Giampaolo Cantini, 50 ans, ne semble pas alarmé par les derniers attentats qui ont frappé Alger le 11 décembre. Affable et optimiste, il nous assure que ce tragique événement n'altère pas son enthousiasme et son envie de « consolider davantage les liens entre l'Italie et l'Algérie ». A trois mois de son investiture, il s'est déjà fait une idée concrète de la nature de sa mission, des atouts de son poste et des difficultés qu'il aura à aplanir. Lui qui a eu un baptême du feu pour sa nouvelle nomination algéroise, puisque trois jours à peine après qu'il eut présenté au président de la République Bouteflika ses lettres de créance en qualité d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République d'Italie en Algérie, il y eut l'attaque terroriste de Lakhdaria. Un bus transportant le personnel européen d'une société française fut la cible d'un attentat et parmi les blessés il y avait un Italien. Les diplomates italiens nous assurent que les autres membres de la petite communauté italienne qui vit en Algérie (1500 ressortissants environ) ne sont pas alarmés outre mesure face à cette nouvelle vague d'attentats. Les sociétés italiennes présentes sur le territoire n'ont exprimé aucune volonté de limiter leurs activités ou de se retirer, nous explique M. Cantini, impatient de visiter « ce beau pays », malgré les drastiques mesures de sécurité imposées au corps diplomatique en poste à Alger. En attendant, la capitale l'a déjà charmé, et à part « les embouteillages permanents », son excellence apprécie presque tout de la ville, la cuisine, le climat… Même le vivace chaton au luisant poil roux qui n'arrête pas de le tourmenter à la recherche de caresses ne lui fait pas perdre patience, et lorsqu'un garçonnet fait son apparition dans le jardin de la résidence de l'ambassadeur, située sur les hauteurs d'Alger, son excellence s'empresse de remettre le turbulent animal « autochtone » à son jeune maître, le fils du diplomate, qui rentre de l'école. Giampaolo Cantini a eu un parcours diplomatique classique. Diplômé en sciences politiques à l'université de Florence, il occupa plusieurs postes de responsabilité au sein du ministère des Affaires étrangères et de la présidence de la République italienne. Hors d'Italie, il fut membre de la représentation permanente de l'Italie auprès des Nations unies à New York, et avant il fut diplomate à Addis-Abeba. Il fut aussi premier conseiller à l'ambassade de Washington, En 2000, il fut décoré Chevalier de l'ordre de mérite de la République par le président Carlo Azeglio Ciampi. De l'entretien qu'il nous accorde transparaît un diplomate ouvert, volontaire et sans idées préconçues, mais surtout exempt de cette assurance et de ce cynisme que finissent par exhaler malgré eux les ambassadeurs qui ont vécu dans des capitales arabes et qui croient transposer leurs analyses toutes faites sur la situation politique régnant à Baghdad, à Beyrouth ou à Tunis sur le reste des pays arabes. Nous exprimant son désir de voir les visites de délégations de responsables italiens et algériens se multiplier de part et d'autre de la Méditerranée, M. Cantini mise aussi sur les échanges culturels. « L'image que les Italiens ont de l'Algérie est loin de la réalité. Il y a un manque d'information flagrant sur la situation véritable. J'espère pouvoir y remédier », nous affirme-t-il. Concernant le partenariat économique, le diplomate italien ne cache pas son appréhension face aux « lourdeurs bureaucratiques qui découragent les investisseurs », mais reste optimiste et veut bien croire que les réformes en cours et celles annoncées seront à même de drainer des flux importants d'investissements italiens vers l'Algérie. Pour s'imprégner de la situation politique, économique et sociale en Algérie, M. Cantini a eu plusieurs entretiens avec des membres du gouvernement, comme le chef de la diplomatie Mourad Medelci, et des représentants de la société civile et autres personnalités du monde de la culture et de l'économie. Il souhaite pouvoir discuter avec des ministres proches du président de la République comme le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni. En attendant, il peaufine avec ses collaborateurs le programme de la saison culturelle de l'Institut culturel italien à Alger, qu'il doit concorder avec la ministre de la culture, Mme Khalida Toumi, dans les prochains jours.