Le mouvement diplomatique en Algérie a toujours été un casse-tête pour les gouvernants. Il est plus facile de nommer un ministre, de le permuter à un autre poste, voire de le remercier que de nommer un ambassadeur, un consul et de les rappeler. A fortiori pour les postes diplomatiques au niveau de certaines capitales privilégiées : Paris, Londres, Rome, Tokyo, Washington... Des postes devenus une chasse gardée pour les diplomates du sérail et pour les hommes du système venus d'autres horizons (généraux à la retraite et autres) qui ont leurs entrées au sein du pouvoir. L'ambassadeur ou le consul général nommé à Paris n'a pas le même poids et les mêmes relations de proximité avec les cercles du pouvoir et à leur tête le président de la République. C'est ce qui explique certainement la longévité de certains de nos diplomates en poste à l'étranger et particulièrement au niveau de certaines capitales étrangères qui font tourner la tête à tous nos diplomates, jeunes et vieux, lesquels rêvent tous un jour de décrocher la timbale. Feu Mohamed Seddik Benyahia avait tenté à son arrivée à la tête du ministère des Affaires étrangères d'introduire une équité dans la gestion des carrières de nos diplomates en mettant en place un plan de carrière et des paramètres rigoureux pour le choix des candidats aux postes diplomatiques à l'étranger. Au-delà des critères de compétence et d'ancienneté, le plan de carrière en question avait consacré le principe de la rotation et de l'alternance au niveau des postes diplomatiques de façon à donner la chance aux jeunes diplomates qui arrivent aux Affaires étrangères de faire le terrain pour s'aguerrir, et à éviter aux diplomates en poste à l'étranger de ne pas s'éterniser longtemps dans une même capitale pour des raisons d'efficacité. Les diplomates envoyés à l'étranger n'excédaient pas 5 ans d'affilée en dehors du pays, délai à l'issue duquel ils sont tenus impérativement de rejoindre le ministère où ils sont versés dans les différents services pour une période équivalente avant de pouvoir de nouveau prétendre à un autre poste diplomatique à l'étranger. Cette règle est toujours en vigueur mais elle n'est pas appliquée. Un CDD et plus si affinités ! On a affaire dans certains cas à des « contrats à durée indéterminée ». Que l'on en juge. Le représentant permanent de l'Algérie à New York, M. Yousfi, boucle ses 9 ans, passant sans transition du poste d'ambassadeur d'Algérie à Ottawa, au Canada, à New York. Son prédécesseur, M. Baâli, avait cumulé 9 ans à l'étranger, passant de Djakarta en tant qu'ambassadeur à la mission diplomatique algérienne à l'Onu. Avant de rejoindre Genève, M. Driss Djazaïri à la mission diplomatique algérienne était auparavant ambassadeur à Washington. Il cumule 8 ans à l'étranger. M. Dembri (9 ans sans discontinuer à l'étranger) passe de la mission diplomatique à Genève à Londres. M. Halim Benattalah est ambassadeur à Bruxelles depuis 8 ans, M. Khelladi, ambassadeur à Caracas, se trouve à l'étranger depuis 9 ans ; M. Benchehida, ambassadeur à Bogota, n'est pas rappelé depuis 8 ans ; M. Arbaoui, ambassadeur à Islamabad, est en poste à l'étranger depuis 6 ans ; M. Bouattoura, ambassadeur à Maputo, totalise 6 ans à l'étranger. M. Abdelaziz Maoui, ambassadeur d'Algérie à Tunis, n'est pas rentré au ministère des Affaires étrangères depuis 9 ans. Au niveau consulaire, on n'a pas également beaucoup innové. Certains consuls détiennent la palme de la longévité en matière de gestion des mouvements diplomatiques. M. Saïdi, consul général à Marseille, a survécu à plusieurs mouvements diplomatiques en battant tous les records de longévité : 16 ans sans interruption à l'étranger. Choix diplomatique et favoritisme Son confrère de Paris, M. Cherif Meziane, ancien ministre de l'Intérieur, boucle ses 12 ans à l'étranger ; M. Massali Mahmoud, consul à Saint-Etienne, se trouve en poste à l'étranger depuis 8 ans ; M. Harraïgue Abdelhamid, consul à Montpellier, totalise 8 ans à l'étranger. La gestion des carrières diplomatiques ne manque pas de susciter de vifs mécontentements dans le corps des affaires étrangères, portés parfois sur la place publique. Des pétitions dénonçant le favoritisme dans le choix des diplomates envoyés en poste à l'étranger avaient même circulé au ministère des Affaires étrangères. Qui décide et comment se font les nominations aux postes diplomatiques à l'étranger ? Constitutionnellement, c'est sur proposition du ministre des Affaires étrangères que les diplomates sont nommés par le président de la République pour représenter l'Algérie dans les missions diplomatiques à l'étranger. Mais dans la pratique, c'est une lapalissade de dire que le mouvement diplomatique est un dossier stratégique sur lequel le ministre des Affaires étrangères n'a que peu de prise pour ne pas dire aucune. Les parrainages de personnalités parachutées dans le corps diplomatique en sont la preuve la plus édifiante. Et l'on s'étonne pourquoi l'outil diplomatique n'est pas à la hauteur des ambitions du pays ! La réhabilitation de la diplomatie algérienne passe d'abord et avant tout par une meilleure maîtrise des ressources humaines, débarrassée de toute interférence étrangère au secteur des AE et ensuite une action diplomatique portée et défendue par des diplomates de carrière compétents, qui ont foi en l'Algérie et qui ont conscience qu'ils sont tout aussi utiles à Alger, dans les différents services du ministère des Affaires étrangères, qu'à Paris ou à New York.