Chaque jour apporte la preuve que la guerre en Irak n'a pas été décidée au pied levé et que son déroulement, y compris dans la phase dite de reconstruction, est porteuse d'enseignements quant à la nature des rapports internationaux. Plus clairement, il s'agit de juger sur pièces et non pas les propos qui aident surtout à gérer une opinion publique accusée de confondre entre le cœur et la raison. La décision du Club de Paris samedi d'effacer l'essentiel de la dette extérieure irkianne en est un acte majeur dicté par des considérations difficilement avouables, mais en tout cas sans rapport avec une prétendue faillite de ce pays, ce qui ne risque pas d'être le cas, l'Irak pour son malheur, dira-t-on, est trop riche pour prétendre à ce privilège dont ne bénéficient même pas les fameux PMA (pays les moins avancés, ou encore les plus pauvres parmi les pauvres). C'est dire dans quelle mesure le traitement de la question irakienne apparaît comme une partition, sauf que le fracas des bombes est plus fort que les notes musicales. Et l'on ne pourra pas dire que l'implication internationale s'arrête au volet militaire. Ce serait un pur mensonge. Quant aux raisons, chaque pays a les siennes, mais elles renvoient toutes à cette notion aussi vague qu'imprécise d'intérêt national. Et la reconstruction de l'Irak est un fabuleux challenge, et chaque pas apparaît comme un véritable ticket d'entrée. Ou plus grave encore, le prix à payer pour un autre partage du monde en zones d'influence. Inutile alors de dire que la conférence internationale sur l'Irak qui s'ouvre aujourd'hui dans la ville égyptienne de Charm Cheikh devrait se dérouler sans le moindre problème. Réunie par l'Egypte à la demande de l'Irak, cette conférence rassemblera les voisins de l'Irak, les membres du G8, la Chine, la « troïka » arabe chargée du suivi du dossier irakien (Tunisie, Algérie, Bahreïn), l'Union européenne, la Ligue arabe, l'ONU et l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Les débats se concentreront sur la tenue des élections générales irakiennes prévues en janvier prochain pour élire une assemblée nationale transitoire, qui aura la responsabilité de former un gouvernement et d'élaborer un projet de Constitution permanente. Ces élections doivent marquer la poursuite d'un processus politique entamé en juin par le transfert du pouvoir de l'administration civile d'occupation américaine au gouvernement intérimaire d'Iyad Allaoui désigné au poste de Premier ministre par l'ancien administrateur américain Paul Bremer, à la grande surprise de l'ONU chargée alors de mettre sur pied un cabinet intérimaire. La mise au point du projet de déclaration finale de la conférence, quoiqu'ayant donné lieu à des tractations serrées entre la France, l'Allemagne, la Russie, la Chine et les Etats-Unis sur le rôle des Nations unies en Irak et le calendrier du retrait des troupes multinationales, ne devrait pas comme pour la dette irakienne connaître des problèmes majeurs. Il s'agit encore une fois d'impliquer l'ONU exclue ou tout simplement contournée dans la décision d'attaquer l'Irak. Il est ainsi envisagé de faire jouer à l'organisation internationale un « rôle dirigeant », un concept bien vague puisque l'ONU participe déjà à certaines tâches, tout comme elle a eu à conduire d'autres, comme l'élaboration d'une loi fondamentale et la mise en place de la période de transition actuelle. L'ONU par contre n'aura aucun rôle militaire, et la coalition internationale, ou les Etats-Unis pour être plus précis, en seront les seuls maîtres. Ce volet sera traité en une seule phrase avec cette seule affirmation que le mandat de la coalition n'est « pas ouvert indéfiniment », mais sans fixer un calendrier précis pour le retrait de ces troupes, ce qu'un pays comme l'Iran souhaite obtenir. Le projet de déclaration est entièrement basé sur la résolution 1546 votée en juin par le Conseil de sécurité, qui prévoit le réexamen du mandat de la FMN à la demande du gouvernement intérimaire ou 12 mois après l'adoption de la résolution. La conférence s'ouvre aujourd'hui par une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de l'Irak : Iran, Koweït, Arabie Saoudite, Syrie, Turquie, Jordanie, ainsi que le pays hôte, l'Egypte. Le principal point à l'ordre du jour est le renforcement du contrôle des frontières de ces pays avec l'Irak, afin de prévenir toute infiltration. La conférence sera élargie demain à tous les autres participants : les membres du G8 (USA, Russie, Japon, Canada, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie), la Chine, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la Malaisie en tant que président en exercice de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et les Pays-Bas, président en exercice de l'Union européenne. Mais les limites sont réelles. Aucun « horizon » ne semble défini pour le retrait des troupes d'occupation, alors que les Etats-Unis refusent de se laisser lier par un calendrier précis.