Un séisme politique a ébranlé le Venezuela, le 3 décembre, après le camouflet reçu par le président Hugo Chavez, dont la réforme phare, visant à fonder un Etat socialiste, a été rejetée lors du référendum de dimanche. Les électeurs ont infligé un premier revers électoral historique au chef de l'Etat, qui avait remporté tous ces scrutins depuis son élection en 1999, à la tête de ce riche pays pétrolier. Connu pour ses diatribes virulentes contre les Etats-Unis, cet ancien officier putschiste, de 53 ans, a reconnu avec calme sa défaite, en admettant la « tendance irréversible » du scrutin. Peu de temps auparavant, le Conseil national électoral (CNE), pressé de s'exprimer par l'opposition afin de ne pas exacerber un climat tendu, avait annoncé une légère majorité de plus de 50% pour le « non ». « A présent, Vénézuéliens et Vénézuéliennes, faisons confiance aux institutions », a clamé le chef de l'Etat, revêtu de sa traditionnelle chemise rouge, durant un discours d'une heure au palais présidentiel, au cours duquel il a souhaité que « la tension baisse désormais ». « Je ne suis pas triste », a-t-il assuré, avant de féliciter des opposants qualifiés, il y a peu, de « traîtres à la patrie », à la solde d'un « empire américain » qu'il menaçait de priver de pétrole. L'annonce de sa défaite a aussitôt suscité des scènes de liesse et d'embrassades dans les rues de Caracas, où les sympathisants de l'opposition ont tiré des feux d'artifice. Nouveau héros de l'opposition, l'ex-ministre de la Défense, Raul Baduel, ancien compagnon d'armes de M. Chavez, a exhorté le Venezuela à « construire une véritable démocratie ». Le projet de révision constitutionnelle avait pour but de renforcer les pouvoirs de cet ancien officier putschiste, en lui conférant le droit de se présenter indéfiniment à la présidentielle et de censurer la presse en situation de crise. Proche allié de Cuba et de l'Iran, le régime vénézuélien voulait en outre inscrire dans la loi fondamentale l'établissement d'une économie collectiviste, interdisant les privatisations et supprimant l'autonomie de la Banque centrale. M. Chavez a toutefois assuré que la « victoire à la Pyrrhus » n'allait pas faire « changer une virgule » à son projet socialiste. « Chavez a surestimé sa puissance. Il a surestimé la capacité à pouvoir endosser une réforme qui était rejetée dès le début », a expliqué le politologue Vincente Leon, estimant que son projet était « trop radical ». Frappé par la limitation des mandats, l'actuel président se voit en théorie obligé de quitter son poste dans cinq ans, un affront pour celui qui affirmait durant la campagne que son règne allait durer « jusqu'en 2050 ». L'historienne Margarita Lopez Maya a estimé que le verdict des urnes constituait une « défaite personnelle du président, car il a transformé le référendum en plébiscite ». « Chavez va survivre, mais il sera forcé de repenser aux étapes de son projet et aux moyens de persuader la population », a-t-elle prédit. Le président vénézuélien n'a d'ailleurs pas dit autre chose. « Pour l'instant, nous n'avons pas gagné », a-t-il souligné, en allusion à la formule célèbre qu'il avait prononcée après l'échec du premier coup d'Etat qu'il avait tenté le 4 février 1992.