« Ne serait-il pas plus intéressant de réduire la production du pétrole, à la fois pour atténuer la dépendance vis-à-vis de cette manne financière, mais aussi pour garantir une durabilité de cette énergie non renouvelable ? » C'est la proposition inattendue faite, dans la matinée d'hier, par le Pr. Jean-Pierre Angelier, invité à participer au colloque portant sur les enjeux énergétiques organisé par la faculté des sciences économiques de l'université d'Es Sénia. « En 1973, en plein cœur du premier choc pétrolier, je découvrais déjà M. Belaïd Abdesselam et le ministre des Affaires étrangères de l'époque, M. Abdelaziz Bouteflika, intervenir sur le sujet à la télévision française et c'est là que j'ai commencé à m'intéresser au pétrole, au point de venir en Algérie passer deux années à l'université de Constantine et préparer ma thèse. » Cette évocation du passé présuppose la connaissance du conférencier du cas algérien et les conséquences de la rente pétrolière sur le développement économique du pays. Pour lui, la disponibilité d'immenses rentrées en devises (à chaque augmentation substantielle des prix) a eu pour effet, avec le temps, de faire disparaître le secteur de production agricole, industriel et des services. « En Algérie, quelqu'un qui veut gagner de l'argent ne se dit pas ‘‘Je vais travailler mieux'', mais il va plutôt essayer de bien se placer dans le circuit de la distribution de la rente gérée par l'Etat », explique-il schématiquement, en estimant que cette situation a engendré un mode d'organisation spécifique qui, lui-même, a fini par être érigé en système de gouvernance. Des augmentations conjoncturelles La valeur du dinar elle-même se trouve affectée par cette donnée économique qui ne répond pas à la réalité. Pas plus optimiste, M. Sadek Boussena, ancien ministre ayant eu à être directement impliqué dans ce domaine, se rappelle lui aussi de l'année 1973 et la première grande flambée des prix qui sont passés de 2,3 (prix de référence retenu la veille du lancement du premier plan quadriennal évoqué à l'occasion) à 11 dollars, ce qui était considérable pour l'époque. Son idée consiste à ne pas se fier aux retombées immédiates des augmentations quand on sait que celles-ci peuvent n'être que conjoncturelles et liées à des événements politiques (guerres, grèves...) ou à la spéculation des marchés financiers. C'est, par exemple, le cas, rappelle-t-il, de la saison 1979/80 (Révolution iranienne, guerre irano-irakienne, etc.) quand les prix ont grimpé de 11 à 35 dollars avant de retomber à un niveau plus bas : moins de 10 dollars. Il rappelle, par contre, que des effets liés à l'insuffisance d'approvisionnement du marché mondial, en expansion avec l'augmentation de la demande des pays émergeants comme la Chine (30% d'augmentation en l'espace d'une année) ou l'Inde, la hausse des prix peut effectivement devenir une donnée à long terme. Il propose de ce fait de tenir compte de ces deux aspects, conjoncturel et structurel, pour tenter de remettre de l'ordre et d'impulser une dynamique de développement hors hydrocarbures. « Ce que nous n'avons pas pu réaliser en 30 ans, peut-être que la nouvelle génération peut le réussir à l'avenir en évitant de tomber dans les mêmes erreurs. » Hormis M. Hadj Saïdi qui a analysé la fixation des prix du pétrole, la même matinée a été caractérisée par l'intervention de M. Khelif qui s'est intéressé au gaz naturel et l'analyse des rapports avec l'Europe, un continent qui consomme 90 % du gaz algérien. Les travaux de ce colloque se poursuivent aujourd'hui avec des interventions autour de Sonatrach et des énergies renouvelables.