Encore une fois et ce ne sera pas la dernière votre rubrique revient sur les cours de soutien. D'abord pour saluer une initiative louable quoique entachée de questions brûlantes. Le ministère de l'Education nationale vient de lancer une opération salutaire en direction des élèves des classes d'examen. Elle consiste à leur apporter un surplus en cours de rattrapage, en plus de ceux déjà inscrits dans leurs emplois du temps. Les objectifs de ces cours de soutien sont connus : permettre aux élèves de se remettre à niveau par rapport aux leçons mal comprises ou insuffisamment assimilées pendant ce premier trimestre. Les vacances de printemps, elles aussi seront intégrées à ce dispositif, de même que les études surveillées après les heures de cours pendant les jours ouvrables. Lors de sa visite d'inspection dans deux établissements de la capitale mardi 25 décembre, le ministre de l'Education nationale a affiché la détermination de l'Etat de contrer « l'anarchie des cours payants qui coûtent cher aux parents » et de consacrer le principe d'égalité des chances sans lequel on ne peut parler d'école républicaine. Pour les élèves concernés, il s'agit là d'une belle opportunité qui les aidera à bien préparer leur examen. Toutefois, elle nécessite l'engagement de tous les acteurs et plus particulièrement les enseignants. C'est à ce niveau que des obstacles surgissent. Et pas des moindres. Il est connu que des enseignants — une minorité nous l'espérons — ont troqué leur habit d'éducateur au profit de la calculette d'épicier. Depuis de très longues années, des cours sauvages « se vendent et s'achètent » dans des caves, des garages désaffectés ou des appartements huppés de la capitale. Les officiants sont des fonctionnaires de l'Etat qui font leur beurre sur les maigres salaires. Faut-il les en blâmer ? Evidemment que oui. Le procédé qui consiste à attirer les élèves déshonore la profession. Ces pseudo-éducateurs jouent sur l'angoisse des parents. Ils la provoquent en prétextant la lourdeur des programmes. Jamais ils n'avancent le véritable motif de leur voracité : l'appât du gain facile et l'enrichissement illicite. Des fortunes se sont faites sur le dos des enfants et des adolescents impuissants devant l'argument : « Si tu veux comprendre viens acheter mes cours. » Le modèle égyptien est en voie d'être concrétisé chez nous. Au pays des pharaons, une véritable maffia (dixit les officiels égyptiens) des cours de soutien dicte sa loi. Les plus hautes autorités, y compris le président de la République, ont pris note de la gravité du danger. Mais en vain. En Algérie aussi, aucun cycle d'enseignement n'est épargné par cette course au pactole, y compris le cycle universitaire. Le comble du ridicule ! Des parents témoignent de ces comportements honteux d'enseignants (hommes et femmes) qui invitent gentiment leurs élèves de 1re année du primaire à « acheter » tel ou tel cours, dès le premier jour de la rentrée. Flairant le filon juteux, certaines écoles privées leur ont emboîté le pas, au motif que la conformité au cahier des charges officiel leur impose des dépenses supplémentaires. A ce rythme, l'institution éducative va transmettre aux jeunes générations des valeurs négatives. De celles prisées par une société en totale déperdition face au libéralisme sauvage. La belle harmonie des rapports entre l'enseignant et ses élèves en prend un coup. Il n'y aura plus ce respect et cette admiration devant l'éducateur passionné par sa mission. Conscient de son statut de client potentiel, son élève le considérera en tant que commerçant à qui il demandera des comptes. Il l'accablera de son échec. Nous avons en tête les piètres résultats aux examens nationaux de La Mecque des ces cours sauvages. Motiver l'élève Depuis une quinzaine d'années, Alger la bien nommée caracole dans les profondeurs des classements. Car sur le plan purement pédagogique, les cours sauvages dispensés à la chaîne relèvent du bachotage. Les bons élèves n'en ont pas besoin et l'élève moyen retrouve les mêmes ingrédients à l'origine de son retard : méthode, exercice type, pratiques du maître, etc. Ses besoins spécifiques ne sont pas pris en charge, pour des raisons de rendement en dinars. Le commerçant n'a pas le temps. Il doit fructifier ces heures. Il est admis en pédagogie, que seul l'effort paie. Comment le susciter et donc motiver l'élève ? En l'initiant au travail méthodique : lui donner les ficelles pour organiser son travail individuel, l'encourager à mutualiser ses efforts avec ceux de ses camarades grâce au travail en groupe. Faire de lui l'agent actif de son propre apprentissage. Une telle approche invite l'enseignant à rompre avec les méthodes d'assistanat/infantilisation. En conditionnant l'élève à acheter des cours de soutien dès le primaire, nous ancrons en lui les réflexes passifs de celui qui attend tout de son enseignant. Le contraire même de l'éducation moderne qui vise à former un individu responsable capable d'initiative et d'autonomie. Ces préoccupations pédagogiques sont au cœur des directives ministérielles. En théorie seulement. Sur le terrain, les éducateurs/commerçants s'en fichent royalement. Les 1200 DA (pour un élève) empochés pour une séance de deux heures de mathématiques déterminent leur choix. Un choix aux antipodes de l'appel du cœur que leur lancent au quotidien, parents et élèves. Certains rient sous cape devant le montant de180 et 220 DA l'heure, alloués pour cette opération de soutien aux élèves des classes d'examen. Les plus voraces se sont déclarés volontaires. Ils ne crachent pas sur les sous, tout en adoptant le même profil qu'en classe. Comprendre par là : signifier aux élèves que seules les liasses déboursées par leurs parents pourront les sauver. Révoltant !