Une année qui s'achève dans la violence et une autre qui commence avec un attentat kamikaze ciblant un commissariat de police dans une petite localité de Kabylie, faisant 4 morts et 23 blessés. Voilà qui résume la situation sécuritaire dans la wilaya de Boumerdès. La question se pose depuis longtemps et continue à tarauder les esprits : pourquoi les groupes terroristes islamistes sont ici plus actifs qu'ailleurs et pourquoi les services de sécurité n'arrivent-ils pas à mettre définitivement hors d'état de nuire l'ex-GSPC devenu Al Qaïda au Maghreb ? Trois attentats kamikazes ont été commis dans cette wilaya depuis que les terroristes ont opté pour ce « mode » de violence. Si Mustapha, où l'on s'est attaqué à la brigade de la Gendarmerie nationale, Dellys, le 8 septembre dernier, où toute une caserne a été soufflée suite à l'intrusion d'un camion bourré d'explosifs dans son enceinte, et hier à Naciria. Cela s'ajoute bien entendu à des dizaines d'attentats à la bombe commis dans les quatre coins de la wilaya, à l'Est et au Centre particulièrement. Les habitants se rappelleront toujours les bombes placées dans les places et voies publiques du chef-lieu de wilaya depuis l'année 2006 : au marché de Boumerdès, à la gare ferroviaire, à proximité de la salle omnisports et juste devant le commissariat de police. Des attentats à la bombe il y en a aussi eu à Zemmouri, Souk El Had, Les Issers, Bordj Ménaïel. A chaque fois des morts et des blessés sans que cela ne provoque cependant un véritable changement dans la stratégie de lutte antiterroriste qui, vu ce qui se passe, doit être repensée. D'un autre côté, il y a eu d'importantes ripostes des forces de sécurité qui, durant l'année écoulée seulement, ont mis hors d'état de nuire de nombreux émirs, dont Abdelhamid Saâdaoui, alias Abou Al Haythem, ex-n° 2 du GSPC, de par sa position de chef de la zone 2 de cette organisation terroriste, à savoir le centre du pays. Un peu plus d'un mois avant ce coup porté à l'organisation de Hassan Hattab, qui s'est lui-même rendu il y a quelques mois, il y avait eu l'élimination d'un autre chef et pas des moindres. Harek Zoheir, dit Sofiane El Fassila, a été abattu au début du mois d'octobre du côté de Boghni en compagnie de deux de ses acolytes (Abdelhamid Amir dit Abou Tourab, émir de la katibat El Farouk, et Oussama Abou Ishak). Les trois avaient des responsabilités lourdes au sein de l'organisation terroriste. Un autre chef terroriste, Sayoud Samir, a été neutralisé à Si Mustapha juste après l'attentat ayant ciblé la brigade de la gendarmerie. Ces succès des services de sécurité sont réalisés grâce à un travail d'investigations rendu possible par les renseignements extorqués aux terroristes arrêtés et autres membres des réseaux de soutien démantelés à Boumerdès surtout. En effet, des dizaines d'interpellations ont été effectuées l'année écoulées et le « gros morceau » en termes d'utilité pour le renseignement était bien Sayoud, qui était le compagnon de Abdelhamid Saâdaoui. Ce dernier, arrêté le 15 novembre 2007 à Tizi Ouzou, est lui aussi d'une grande importance pour la suite du combat contre l'ex-GSPC. Des observateurs de la scène sécuritaire trouvent également que l'élimination de Sofiane El Fassila, qui serait très écouté par l'émir d'Al Qaïda au Maghreb, à savoir Droukdel, a été d'une grande importance pour influer sur le moral des terroristes. Ceux-ci vont jusqu'à soutenir, rejoignant le ministre de l'Intérieur, que c'est en désespoir de cause que les terroristes recourent aux attentats à l'explosif. L'arrestation d'Abou Al Bassir, l'émir de la région d'Alger, a aussi été d'une grande utilité pour les services de renseignement qui, il y a trois jours, ont arrêté celui qu'on présente comme l'instigateur des attentats kamikazes d'Alger, à savoir Maârouf Khaled. Le mois dernier, trois terroristes ont été arrêtés aux Issers et à Si Mustapha. Toutes ces arrestations et éliminations ont provoqué des dissensions au sein des groupes terroristes opposant la tendance qui tient à l'internationalisation de la crise, en inscrivant le GSPC dans le sillage d'Al Qaïda et qui adoptent son mode opératoire, et ceux qui voudraient rester dans la dimension interne en poursuivant l'action terroriste « jusqu'à l'instauration d'une dawla islamia (Etat islamique) ». Sur le plan strictement sécuritaire, les forces engagées dans la lutte marquent indéniablement des points très importants. Mais pour faire face aux attentats à la bombe et de surcroît kamikazes, les analystes préconisent un traitement à la base : démonter la matrice idéologique qui est l'islamisme. A Boumerdès, où les terroristes gardent encore leur capacité de nuisance, les forces de sécurité ont quasiment bouclé la région. La pression sur le GSPC continue, mais celui-ci sait se transformer et s'adapter. Il n'y a pas longtemps, il aurait placé un certain Sid Ali Rachid, dit Khaled Abou Amine, à la tête de la katibat Al Arqam qui écume le centre de la wilaya de Boumerdès en remplacement de Niche, éliminé dans la région de Beni Amrane. Comme il a nommé un certain Bentouati à la tête de la katibat Al Ansar qui active dans la partie est de la wilaya. En outre, les opérations de recrutement pour les maquis se poursuivent. Il y a seulement quelques jours, on a signalé deux jeunes de Thenia qui ont rejoint les groupes terroristes. Serein, un responsable des services de sécurité locale nous a déclaré hier à Naciria : « Cela ne nous démobilisera pas, nous allons lutter jusqu'au bout. Ce qui est sûr, c'est qu'à partir d'une scène de crime commence l'investigation. » Une manière de promettre de faire tomber les instigateurs de l'attentat. Si le terrorisme persiste à Boumerdès, c'est que cette région a fourni, dès le début de la crise, les maquis aux chefs et troupes. Hattab, Saâdaoui, Niche, Dichou, Al Fassila et autres sont tous issus de cette région qui, aujourd'hui, souffre le martyre. Sans oublier Droukdel, natif de la région.