Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, était hier à l'APN où il a présenté, en séance plénière, le projet de loi portant code de procédure civile et administrative. Le document renfermant 1063 articles et 5 chapitres représente un véritable casse-tête pour la plupart des élus qui n'ont aucune formation en la matière. Lors des débats, les intervenants ont revendiqué un temps supplémentaire leur permettant d'assimiler et de décortiquer le projet qui a nécessité pour sa mise en place cinq longues années. Toutefois, rares étaient les députés qui ont apporté des critiques fondées sur le contenu du projet, la plupart ont évoqué des questions de forme. M. Belaïz expliquera qu'en trente-huit années, très peu de modifications ont été apportées au code de procédure civile, alors que les circonstances qui ont précédé à son élaboration ne sont plus de mise. Il s'agit, selon le ministre, du plus important texte législatif élaboré depuis 1966, ce qui requiert une révision radicale dans la forme et dans le fond. La protection des droits, dira M. Belaïz, obéit à des règles préétablies qui doivent se caractériser par la simplicité, mais surtout par la transparence, exigence fondamentale de l'équité, qui est la base de la confiance du citoyen en sa justice. Officiellement, les promoteurs de la réforme de la justice étaient préoccupés lors de la confection du nouveau code par trois soucis qui sont de rapprocher la justice du justiciable, notamment par la redistribution des compétences, la révision du découpage judiciaire, la suppression des tribunaux de grande instance et la création de juridictions dans les régions qui en étaient dépourvues. L'autre point essentiel est d'assurer l'unification et la rationalisation du système judiciaire à travers l'unification des règles de compétences et de procédures et aussi la réduction des frais de justice, judiciaires et extra-judiciaires. Abordant les détails, le garde des Sceaux précisera que le texte sur l'organisation judiciaire a déterminé avec précision le fonctionnement de chacune des juridictions, sans toutefois remettre en cause le principe de leur hiérarchie en deux degrés, instaurée après l'indépendance. Il est institué également des pôles et des sections spécialisées qui pourront être assistés d'assesseurs conformément à la législation et à la réglementation en vigueur. Dans la même perspective, un juge est chargé des affaires de la famille au niveau des tribunaux. L'objectif ainsi recherché est la spécialisation des magistrats, pour répondre aux exigences actuelles induites par la complexité croissante du contentieux qu'ils sont appelés à traiter. Concernant la procédure administrative, point saillant de la réforme, celle-ci s'appuie, expliquera le ministre, sur des dispositions nombreuses et détaillées relatives aux tribunaux administratifs et au Conseil d'Etat. Des experts, des enseignants, des juristes ont participé à l'élaboration du projet en question, rappellera le représentant du gouvernement qui soutiendra que le législateur en a conforté le caractère administratif, en mettant explicitement l'accent sur le caractère écrit et inquisitoire de la procédure ainsi que son caractère non suspensif. A l'inverse de la procédure civile, ces principes ont une incidence importante sur le régime de la preuve, sur l'accès aux documents administratifs et à la conduite de l'instruction en général. En somme, le projet, de manière générale, a mis l'accent sur l'égalité des citoyens devant la justice, l'instauration des règles de nature à assurer les conditions d'un procès équitable par la consécration des droits de la défense, les voies de recours, les délais raisonnables de jugement et la neutralité du juge dans la conduite d'un procès. En outre, le projet qui comprend de nombreuses dispositions nouvelles, dont l'élargissement des prérogatives des magistrats, se présente sous forme de dispositions transitoires qui rendent son application effective après une année de sa publication dans le Journal officiel afin de permettre aux concernés de s'imprégner de ses nouveaux concepts et dispositions. M. Belaïz a en outre affirmé que son département ministériel fera appel à des experts en droit nationaux et étrangers en vue de permettre aux praticiens et à tous ceux qui sont intéressés par le texte d'en assimiler le contenu. Par ailleurs, les députés ont, lors du débat, exprimé leurs inquiétudes et leurs craintes quant aux prérogatives élargies dévolues au magistrat qui nécessitent, de leur avis, des garanties telles que la déclaration de la responsabilité civile du magistrat dans le cas où il enfreint délibérément la loi. Les députés ont proposé la création d'une commission de contrôle des affaires juridiques au niveau de la Présidence. Un autre député FLN a interrogé le ministre sur les arrière-pensées ayant conduit le département de la justice à arrêter un délai d'une année entière pour appliquer le projet de loi, ce qui est en opposition avec les articles 4 et 7 du code civil qui stipulent l'entrée en vigueur des lois dès leur promulgation. Un élu a posé la problématique de la séparation des procédures suivies dans les lois civile et administrative ainsi que celle du volume de cette loi qui a connu une augmentation de 122% en comparaison avec la loi en vigueur, rendant difficile son assimilation par les magistrats et les avocats. Un député du PT a estimé que le texte ne fait pas référence à l'égalité entre les citoyens en matière de procédure civile. Elle s'est interrogée, en outre, qu'en cas de divorce, pourquoi le législateur autorise la mère à garder son enfant mais ne lui donne pas le droit d'être son tuteur ? Plusieurs députés ont évoqué la non-application des jugements et aussi la non-application des textes de lois sur le terrain. « Nous avons des lois impeccables, mais leur application fait défaut », dira un élu. Notons que les débats sur le même projet se poursuivront aujourd'hui.