Organisé par le centre universitaire de Khenchela à la maison de la culture Ali Souaï, le colloque international sur la lutte armée portant l'intitulé « Novembre 1954, regards croisés » s'est ouvert avec plusieurs interventions, dont la plupart posent la problématique de l'écriture de l'histoire eu égard à la complexité de la Révolution algérienne, d'autant plus qu'elle est pionnière dans son domaine, même si les sujets d'une conférence à une autre sont plus ou moins différents. C'est comme si spontanément l'on ressentait l'impérieuse nécessité d'écrire l'histoire après avoir longuement répété les mêmes choses, et surtout que, désormais depuis quelque années, les langues se sont déliées et qu'il y a moins de pression (moins, car il y en a toujours) quant à l'écriture de l'histoire. Quoi qu'il en soit, Mohamed El Korso, président de la Fondation du 8 Mai 1945, essayera de « fouiller » dans la mémoire de la génération de Novembre à la recherche des massacres ou de l'insurrection du 8 Mai 1945. Beaucoup d'indépendantistes continueront sur leur lancée, mais en considérant cette fois-ci que cette date constitue la rupture avec ce qui s'est passé avant. Cette période (du 8 Mai 1945) est une référence pour les combattants, d'autant plus que, alors que le monde entier célébrait l'armistice, le peuple algérien était en deuil, 130 000 Algériens avaient été mobilisés lors de la Seconde Guerre mondiale. Remarque : cette référence avec le temps, surtout lors de celui du parti unique, sera presque occultée. Exemple, dans les années 1970, dans les manuels scolaires, elle n'aura droit qu'à sept lignes et demie. Quelques années plus tard, on commencera à s'intéresser aux martyrs de cette insurrection, tel Saâd Bouzit, le premier martyr à Sétif. Après cette date référence, on peut dire, avec le déclenchement de la lutte armée, qu'on passe de la spontanéité au fait révolutionnaire, lequel est tributaire de la logistique. Cela constitue le saut qualificatif du soulèvement du 8 Mai 1945. Après avoir rappelé ses origines de cette région de Khenchela, Benjamin Stora, dans sa conférence posant la question de savoir si le 1er Novembre est un début ou une poursuite d'une guerre de Libération, dira d'abord que le 1er Novembre « est un acte annonciateur de temps nouveaux, un seuil décisif, après le récit historique continu ». Donc, après les divers soulèvements depuis la colonisation, avec ses grandes figures - Emir Abdelkader, Mokrani, Abdelhamid Ben Badis... -, ses révoltes paysannes, ses soulèvements dans les villes, et bien d'autres, arrive le 1er Novembre, et l'émergence du FLN, acte retentissant énorme dans plusieurs pays, et puis cette forme de guerre, la guérilla, etc. Mais le conférencier insiste sur le fait que l'émergence de cette nouvelle avant-garde a mis au secret les fondateurs du nationalisme, les indépendantistes, et a occulté les grandes figures du mouvement national, en privilégiant l'acte militaire à la tradition politique. A ce propos, il pose la question suivante : pouvait-il en être autrement ? Pouvait-on se passer de l'acte militaire ? « Je réponds non, car il fallait en finir avec le statut colonial ». Il avance à propos de l'écriture de l'histoire ces mots : la critique distancée. Il insiste sur le fait de s'approprier du travail historique. Mais, attention aux « restes de l'ère coloniale dissimulés dans cette écriture ». Ali El Kenz parlera de la relation entre la mémoire et l'histoire, et étudiera sous l'œil sociologique le discours des acteurs historiques, lequel est fragmenté, et c'est à l'historien de traiter cette fragmentation. Cela parce que chaque acteur ayant participé à la guerre ne peut raconter que ce qu'il a vu ou vécu.