Lounis Belharrat, fraîchement nommé PDG de Mobilis, nous parle du contexte de l'évolution de la téléphonie mobile en Algérie et des objectifs à atteindre par l'opérateur public. Après votre installation, quelles sont les priorités de Mobilis ? Les priorités de l'entreprise pour 2008 tournent autour de trois axes stratégiques fondamentaux. Ils concernent tout ce qui se rapporte à la qualité de la couverture technique, de la relation avec la clientèle et la diversification des services. Il y a une autre priorité qui n'est pas encore bien définie, les virages technologiques qui se profilent, notamment avec l'introduction de la troisième génération (3G). En tant qu'opérateur public, on ne peut pas se permettre d'être en dehors de ce processus. Comment analysez-vous le marché actuel de la téléphonie mobile en Algérie ? Il s'est passé énormément de choses et je suis bien placé pour le dire. Chez nous, la mobilité a commencé en 1989 avec le réseau NMT (première génération). A l'époque, on a pu mesurer l'attrait qu'avait l'Algérien pour tout ce qui était mobile. En 1998, le GSM a été lancé avec un peu de retard dû à la conjoncture vécue, et dès l'instant où le réseau a été ouvert, on a mesuré la soif de l'Algérien pour le mobile. Il y a eu un besoin énorme que l'offre n'a pas pu satisfaire. Il y a eu après l'ouverture du secteur à la concurrence (la loi 2000-03) qui a consacré l'ouverture et la priorité a été donnée au mobile. Il y a eu la première licence octroyée à Djezzy et je pense que cela a été le point de départ. Le marché a commencé à s'exprimer et il y a eu une satisfaction relative du besoin. Pendant une période, Djezzy a évolué un peu seul et il y a eu le démarrage d'une autre période (2004) où Mobilis a fait sa relance et le troisième opérateur a été lancé. Le marché a ensuite réellement explosé avec la présence des trois opérateurs. Aujourd'hui, on parle de 25 millions de lignes. C'est un indicateur de l'évolution du marché. Mais elles ne se trouvent pas nécessairement chez 25 millions de clients parce que, chez nous, la pratique c'est qu'un client a 2, 3 ou même plus de cartes SIM. Les chiffres reflètent-ils la réalité ? Ne sont-ils pas un peu gonflés ? Les chiffres sont communiqués par les opérateurs. Chacun a un réseau et communique le nombre d'abonnés qui sont encore dans leur plate-forme. C'est vrai qu'il y a des règles : il y a une phase où ils consomment et une autre phase de sommeil que les opérateurs acceptent, mais elle ne peut pas être indéfinie. A un moment, la plate-forme les sort. C'est les règles qui ne sont pas uniformes d'un opérateur à un autre. Chez Mobilis, il y a des périodes où on sort entre 3000 et 4000 par jour et d'autres où on sort moins que ces chiffres. C'est pour cela que stratégiquement on fait toujours de l'acquisition pour compenser les déperditions et les abonnés inactifs. C'est un peu le même principe qui se passe chez les opérateurs. Votre entreprise est-elle prête pour la 3e génération ? Techniquement, le problème ne se pose pas. Nous avons des plate-formes 3G depuis 2 ans et elles sont opérationnelles. Il y a des difficultés à les faire interopérer avec le réseau 2G, mais ce sont des opérations que nous avons déjà faites. Le problème se pose plutôt en termes d'investissements que les opérateurs consentiront à faire, qui dépendront des conditions dans lesquelles les licences seront octroyées (cahiers des charges). Il y a aussi des questions de rentabilité économique. Même en Europe en 2008, les marchés ne se comportent pas comme on l'avait prévu il y a une dizaine d'années. A la fin des années 1990, les gens avaient dit qu'il y aurait un marché porteur, les besoins étaient là et qu'au début de 2000, la 3G allait se substituer à la 2G. Nous sommes en 2008 et ce n'est pas le cas. En Algérie, cela va être le même processus. A nous de trouver des niches où la 2G ou le fixe n'ont pas pu répondre au besoin. Il sera d'abord un marché professionnel, mais il peut être aussi grand public pour l'accès à l'internet à haut débit (consultation des e-mails par exemple). Il faut exploiter ce que l'ADSL ne fait pas suffisamment bien. La 3G pourra le faire avec une meilleure qualité. Il y a aussi tous les services autour (l'industrie du contenu) même si ce n'est pas dans nos prérogatives, car nous restons des opérateurs transporteurs d'informations et des fournisseurs d'accès. Le contenu est toutefois indispensable... C'est le problème des opérateurs européens qui ont opté pour des partenariats avec des fournisseurs de contenu. On n'en est pas encore là, mais quand le service sera lancé, je pense que cette industrie va se créer. Quel est le profil type d'un abonné algérien ? Je vous dirai franchement qu'aujourd'hui, l'abonné algérien est surtout voix. Il commence à devenir de plus en plus SMS et nous le constatons à travers les usages. L'Algérie commence également à découvrir le MMS (envois de photos) et de téléchargement de logos et sonneries. S'il n'utilise pas autre chose, c'est parce qu'il n'y a pas de contenu. Si on pouvait retransmettre les matches de football les jeudi et vendredi, je suis sûr que l'Algérien serait friand de cela. Il faut préciser toutefois que la 3G a été freinée par la cherté du terminal. Peut-on envisager un jour la portabilité du numéro dans notre pays ? La portabilité du numéro est une question de décision de l'Etat. Pour le marché, c'est favorable puisque nous ne sommes plus prisonniers d'un numéro, et parmi les avantages c'est que le numéro devient la propriété du client et non celle de l'opérateur. Quand l'Etat décidera, les opérateurs devront s'y mettre. Cependant, pour faire la portabilité, il y a de grands aménagements à faire au niveau des réseaux. Si vous avez un 061X et passez à un autre opérateur ou inversement, il faut que ce numéro soit dans les plate-formes des uns et des autres. Ce n'est pas simple comme opération. Comment qualifiez-vous les partenariats ? Il y a à Mobilis différents types de partenariats avec les équipementiers. Il y a une stratégie à adopter et qui consiste à ne pas se disperser ou d'aller vers quelque chose qui n'est pas fiable. Cependant, il n'est pas question de s'enfermer : il faut aller vers des équipementiers leaders et casser certains monopoles.