Cette autodidacte a crevé l'écran dans le rôle de Rym qui lui entrouvre les portes d'une consécration mondiale. Parlez-nous de vos origines et de votre parcours jusqu'à la rencontre avec le monde du cinéma ? Je suis née d'un père tunisien et d'une mère algérienne qui vivent à Marseille depuis 20 ans. Pour ma part, je suis née à Manosque. Mon père est ouvrier dans le bâtiment et ma mère, femme de ménage dans un collège. J'ai 4 frères et une grande sœur, je suis la benjamine. J'ai fait des études jusqu'à la faculté de droit et ma vocation seconde était d'être infirmière si ça ne marchait pas pour le métier d'actrice. Toute petite, j'ai toujours voulu jouer, chanter et danser. A 10 ans déjà, je lisais les annonces de casting auxquelles j'adressais mes photos. J'ai dû faire une figuration par an jusqu'à mes 18 ans. Comment avez-vous été choisie ? Une directrice de casting avait déjà mon dossier de figuration. Or, il se trouve qu'elle était en charge du casting de La graine et le mulet et elle m'a fait appeler pour un essai. Au bout de deux essais, Abdel (Kechiche) est venu à Marseille et m'a vue sur cassette. Certes, il ne voyait pas encore quel rôle me confier, mais une chose était sûre, il me voulait dans sa distribution. Bizarrement, au départ, le personnage de Rym peu important devait disparaître, et c'est notre rencontre commune qui a fait changer d'avis Abdel. De là, sa décision de faire de Rym un personnage central… Parlez-nous de Rym. Comment la voyez-vous ? Rym est une idéaliste à la fois volontaire, insouciante et affectueuse. Ce qui me rapproche d'elle, c'est que tout en étant insoumise, elle est aussi à l'écoute des autres. Dans le film, elle est à l'écoute de Slimane jusqu'à porter son projet de restaurant, comme si c'était le sien. D'autre part, je n'ai eu aucune difficulté à créer des relations affectives avec Slimane et les musiciens retraités car je suis moi-même d'une nature affectueuse. Comment travaille-t-on un tel personnage ? En quoi interviennent les qualités de direction d'acteurs du réalisateur ? La prise de poids, à la demande du metteur en scène, m'a beaucoup aidée à créer le caractère de mon personnage. C'est-à-dire un personnage fort et mature qui va jusqu'à conseiller sa propre mère (dans une des scènes les plus inoubliables du film, Ndlr). Avec Abdel et tous les acteurs, il s'est créé un formidable climat de confiance et à partir de là, on ne pouvait qu'exprimer au mieux sa volonté de réalisateur. Il y a eu énormément de répétitions hors caméra, parce qu'il y avait beaucoup de dialogues à jouer et à se mettre en bouche selon le caractère de chacun. Tout le travail de création s'est construit sur ce climat de confiance et de respect de chacun. Comment vous êtes-vous appropriée la scène incroyable et fortement sensuelle de danse orientale dans le restaurant ? Je n'avais aucune notion de danse et, même dans les fêtes familiales, j'étais nulle. Je suis donc partie de zéro. J'ai pris des cours, du poids, et fait du sport pour donner à l'écran l'effet le plus naturel possible. En même temps, Abdel m'a freinée au niveau des cours pour que la technique élaborée ne l'emporte sur l'émotion telle qu'elle est rendue à l'écran. On a beaucoup répété avec les retraités de l'hôtel qui, dans la vie, sont de vrais musiciens. Ainsi Rabah Khalfa, sans doute le meilleur drebki sur la place de Paris, a accompagné toutes les grandes vedettes de la scène maghrébines et arabes. Par rapport à la danse et au rythme, il m'a beaucoup aidée, d'autant qu'une forme de dialogue s'instaure entre la danseuse et la derbouka notamment. Avec Abdel, on a choisi la musique ensemble. Après ce rôle et le Prix du Meilleur espoir féminin remporté à Venise, comment voyez-vous votre avenir ? Moi, j'ai un rêve de petite fille : jouer le rôle d'une princesse des Mille et Une Nuits ou celui de Mata-Hari. Sinon, j'ai quelques projets et l'espoir qu'Abdel fasse de nouveau appel à moi, tant nous avons été en osmose sur La graine et le mulet. Je souhaiterais enfin me rendre à Alger pour une avant-première du film devant le public algérois. Inch'Allah !