Nous n'avons pas l'intention d'installer une base ou des troupes en Algérie », a déclaré hier, dans une vidéo-conférence organisée au siège de l'ambassade des Etats-Unis à Alger, Mary Carlin Yates, adjointe du chef du commandement américain pour l'Afrique (Africom), en charge des activités civiles et militaires. Mary Carlin Yates, qui a visité deux fois l'Algérie, a précisé qu'il n'y a pas eu de discussions avec les autorités algériennes sur la question d'offrir une présence de l'Africom dans le pays. A une interrogation de l'attaché militaire de l'ambassade du Niger à Alger sur l'utilité de l'existence de bases militaires en Afrique, en citant l'exemple des bases françaises, la diplomate américaine a eu cette réponse : « On est sensible à la position du Niger et de l'Algérie de refuser la présence de forces étrangères sur leurs terres. » Selon elle, il n'existe aucune intention d'installer de larges bases militaires en Afrique ou d'y stationner des contingents. Pour l'instant, l'Africom, opérationnel depuis octobre 2007 et dirigé par le général d'infanterie William Ward, est basé à Stuttgart (Allemagne) où se trouve le commandement des forces américaines en Europe (Eucom). Il y restera, selon la diplomate, encore quelques années. Elle n'a pas caché la volonté de certains pays africains de collaborer avec l'Africom pour professionnaliser leurs forces armées. Elle a indiqué que l'Africom n'a pas pour vocation de « décider » pour les Africains. « Les pays africains sont capables d'assurer leur sécurité. Nous sommes là pour les aider à maintenir la stabilité et garantir le développement. Notre engagement est durable », a-t-elle dit. Le Liberia est le seul pays à avoir déclaré officiellement être prêt à accueillir l'Africom. Des discussions sont menées actuellement avec le Ghana, l'Ethiopie et Djibouti pour installer une unité ou un bureau de l'Africom (qui sera organisé sous forme d'unités légères). Les concepteurs de l'Africom ont privilégié « la réflexion par région », autrement dit, des unités pour chaque partie du continent. Pour Mary Carlin Yates, l'Africom est « under construction » (en phase d'élaboration) et emploie actuellement 300 personnes. Ce nombre sera ramené à 1300 à l'avenir. Il comprendra, entre autres, des personnels qui relèvent du département d'Etat et de l'Agence d'aide au développement (USAID) puisque l'Africom est perçu comme « une inter-agence » comprenant civil et militaire. « Enfin, une seule voix va parler pour l'Afrique pour solliciter des fonds auprès du congrès », a expliqué Mary Carlin Yates qui a ajouté que sur les 9 milliards de dollars consacrés à l'Afrique par Washington en 2007, 250 millions de dollars ont été orientés vers les dépenses militaires. Jusque-là et selon le schéma établi en 1983, le continent était « partagé » par trois commandements différents :le Central command pour la corne de l'Afrique, le Pacific command pour l'océan Indien et l'Afrique australe et l'Eucom pour le Maghreb et le reste de l'Afrique. L'Eucom continuera à assurer les activités actuelles de coopération. En 2008, neuf opérations de formation concerneront les militaires algériens. Dernièrement, trois pilotes américains des avions de transport C130 ont séjourné en Algérie dans le cadre d'un programme d'échanges. Des pilotes algériens du même avion iront en février prochain en Allemagne pour une formation. Elle a rappelé la participation de neuf pays, dont l'Algérie, le Niger et le Mali, au Trans-Sahel conterterrorism program (TSCTP), un programme qui se poursuit sous plusieurs formes. « Nous allons continuer à assister les pays à combattre le terrorisme. » Selon elle, l'émergence de ce qui est appelé Al Qaïda au Maghreb avec la mise en avant du projet de l'Africom est une coïncidence. Parlant de son expérience au Ghana, où elle a occupé le poste d'ambassadeur, Mary Carlin Yates a affirmé que des imams l'ont contactée pour demander une aide pour améliorer la santé et assurer l'éducation des populations musulmanes. Manière, à elle, d'introduire « la dimension humanitaire » de l'Africom. Elle a souhaité une visite prochaine du général William Ward en Algérie. Mary Carlin Yates s'est exprimée à partir de Paris grâce au système de l'Africa regional service (ARS) qui est une source d'information d'expression française du bureau Afrique du département d'Etat. Elle n'a pas pu terminer sa conférence en raison d'une subite alerte à l'incendie qui a nécessité une évacuation de la salle. Si des journalistes trouvaient la coïncidence curieuse (la conférencière venait à peine de commencer à répondre à une question sur Al Qaïda et sur la déstabilisation de l'Irak), le personnel de l'ambassade assurait que cela arrive souvent. « Nous venons de déménager dans un nouveau bâtiment où les systèmes de sécurité et autres ne sont pas encore maîtrisés. En effet, des travaux sont en cours dans ce sens. Compte tenu de l'importance que nous accordons à la sécurité de nos employés et des visiteurs à l'ambassade, nous avons dû évacuer le bâtiment afin de nous assurer que la sécurité de tous n'était pas en danger », a voulu assurer Kareem Jamjoom, attaché de presse de l'ambassade, dans un communiqué rendu public hier. Selon lui, la diplomate devait animer d'autres vidéo-conférences avec l'île Maurice et le Sénégal. Depuis lundi 14 janvier, Mary Carlin Yates a animé plusieurs autres conférences du même type avec le Maroc, le Cameroun, le Ghana, la Tunisie, l'Ouganda et l'Afrique du Sud. Outre les journalistes, étaient invités à la conférence d'hier des députés, des universitaires et des attachés militaires de plusieurs représentations dont l'Ukraine, le Vietnam, la Russie et le Maroc.