Ce sont les plus vieilles peintures murales du monde et les plus anciennes jamais mises au jour au Proche-Orient. Après quinze ans de fouilles à Dja'de, un village niché sur la rive gauche de l'Euphrate, dans le nord de la Syrie, une mission archéologique française vient de découvrir, dans une maison semi enterrée, des peintures murales remontant à 10 000 ou 11 000 ans avant notre ère. Une découverte extraordinaire à plus d'un titre. « D'abord par leur excellente conservation sur plus de 2 mètres de haut, sur un mur construit en terre, nous explique Eric Coqueugniot, archéologue du laboratoire Archeorient-Environnements et sociétés de l'Orient ancien au Centre français de la recherche scientifique (CNRS) et directeur de la mission. Comment expliquer qu'après tant d'années, les peintures soient restées aussi fraîches ? Des indices permettent de croire que cette maison aurait été volontairement ensevelie. » Autre merveille : d'après les échantillons analysés, la peinture utilisée serait entièrement naturelle et donc, très fragile. « Composée de charbon pour le noir, de calcaire pilé pour le blanc et d'hématite pour le rouge, précise l'archéologue. Le tout serait mélangé par un liant qui n'a pas laissé de traces. » Simple décoration ou peinture rituelle, il est encore trop tôt pour en déterminer le sens de ces motifs, des damiers formés de rectangles aux trois couleurs. « Elles sont sans doute un peu des deux. Car on ne les trouve pas dans une maison normale mais dans ce que l'on appelle un bâtiment communautaire, c'est-à-dire une maison qui servait de lieu de rassemblement. » Enfin, la profondeur à laquelle a été découverte cette maison est elle-même incroyable. « Le travail de fouille est un travail de fourmi et nous décapons progressivement les couches. D'habitude, quand on trouve deux mètres de niveaux archéologiques, on s'estime déjà très content. Là, nous avons atteint 7 à 9 m de profondeur !, ajoute le chercheur aussi directeur de la revue Paléorient. C'est beaucoup pour une période comme le début du néolithique. » A l'automne, l'équipe retournera sur le site pour poursuivre les fouilles et déposer les peintures au Musée national d'Alep.