Natif d'Alger, père de famille, la soixantaine, il réside dans une localité de l'ouest algérois. La mine est loin d'être patibulaire. Il affiche un air d'une personne sûre d'elle. Déterminé et catégorique, l'homme répond à la question que vient de lui poser la présidente de l'audience du tribunal de Chéraga. « Oui Madame la présidente, j'ai bien frappé cette personne. Je ne le nie pas. Mais en aucun cas, je n'ai eu recours à une arme blanche. Je lui ai simplement administré un coup de tête sur le front, ‘‘drabtou bedmagh''. » La salle, en ce mercredi 16 janvier 2008, éclate de rire. La présidente et le représentant du ministère public, retenue oblige, se contentent d'un sourire en coin. Le mis en cause est sous l'effet d'une condamnation par défaut d'une année de prison ferme et 50 000 DA de dommages et intérêts pour cette même affaire. Il doit recomparaître en compagnie de la victime supposée et de leurs avocats respectifs. « Expliquez donc au tribunal pourquoi vous avez frappé ce monsieur qui est devant vous ? », interroge la juge avant de rappeler quelques points contenus dans le dossier. « La victime a présenté un certificat d'incapacité de dix jours, suite, justement, aux coups et blessures dont vous êtes responsable. » L'accusé, du moins considéré comme tel si l'on se tient au verdict prononcé lors de la précédente audience, obtempère. « Je dois encore signaler que cet homme est l'ex-mari de ma fille. Divorcé depuis longtemps, il ne trouve pas mieux de harceler ma famille, surtout lorsque ma fille, c'est-à-dire son ex-épouse qui s'est remariée, est à la maison. » La présidente interrompt le mis en cause : « Le jour de l'agression, la victime était sur le chemin de l'hôpital de la ville pour une consultation. Elle avait d'autres soucis. Pourquoi l'avoir donc frappée ? », interroge de nouveau la juge, affichant à la fois calme et fermeté. « L'altercation a eu lieu devant chez moi, loin de l'hôpital. Cet homme est passé encore une fois à la maison pour proférer des insultes et autres injures à l'égard de ma femme et de ma fille. Comme par hasard, je me trouvais ce jour-là à la maison. Je sors, je l'interpelle pour qu'il se taise, pour qu'il quitte les lieux. En vain. Etant atteint dans mon amour-propre, je me devais de défendre l'honneur de ma famille en lui administrant un coup de tête. Voilà la vérité Madame la présidente. » La victime supposée est ensuite invitée à donner sa version des faits. « C'est faux. Je passais ce jour-là pour regagner l'hôpital. C'est à ce moment que cet homme s'était jeté sur moi en m'agressant avec une arme blanche », raconte l'ex-gendre. L'avocat de ce dernier crut utile d'apporter un détail susceptible, selon lui, d'intéresser le tribunal. « Il faut savoir que c'est mon mandant qui a divorcé d'avec la fille de l'accusé, et non pas le contraire. Je crois que cela suffit pour que l'on soit convaincu qu'il n'avait aucun intérêt à harceler son ex », soutient le défenseur. Néanmoins, la jeune avocate de l'« accusé » tient à signaler le caractère de la légitime défense : « Mon mandant était agressé jusqu'au seuil de chez lui. » Et de conclure : « Mon mandant reconnaît avoir frappé avec un coup de tête, mais pas avec une arme blanche. J'attire l'attention du tribunal que le certificat médical a été établi 24 heures après les faits. Pourquoi ce décalage ? » Le verdict sera connu le 30 janvier 2008.