Le tribunal criminel près la cour d'Alger a décidé, jeudi, de reporter à la prochaine session criminelle le procès du double attentat kamikaze qui a ciblé le siège du Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) à Hydra et le Conseil constitutionnel à Ben Aknoun le 11 décembre 2007. Le juge Omar Belkharchi, président de l'audience, a rejeté aussi, après délibération, la demande de Me Sellini concernant la liberté provisoire de l'un des accusés, soit le nommé M. M. K., qui se trouve en détention, poursuivi pour non-dénonciation. La décision du report a été motivée par l'absence de l'avocate de l'un des accusés et la non-constitution de la défense des deux autres. Les six accusés ont été présentés, jeudi matin, au tribunal criminel. Âgés entre 26 et 31 ans, natifs d'Alger et de Boumerdès, sans barbe et en tenue normale, il s'agit des nommés B. F., K. Y. et M. M. K., entrepreneurs, de Y. F. T., ingénieur en informatique et ex-fonctionnaire à la société américaine dissoute BRC, de K. A. , gérant d'une agence immobilière, et de B.L., distributeur de marchandises. La salle n°2 de la cour d'Alger affichait complet à tel point que plusieurs personnes, en majorité des victimes des attentats, n'ont pu trouver où s'asseoir. Les policiers ne l'ont permis qu'aux personnes convoquées. Une lourde atmosphère régnait dans la salle. Le père d'une victime, qui a succombé lors du double attentat et lui-même handicapé car amputé de son genou, n'a pas supporté la vue des six accusés dans le box. Il a été pris d'une crise d'épilepsie et il a fallu l'intervention des policiers présents dans la salle pour le secourir. Sa femme, une vieille dame, leur a expliqué qu'il a insisté pour venir alors qu'il est traumatisé et malade. À côté de lui, se trouvait une autre vieille dame. Elle a perdu sa fille qui travaillait à Hydra. “On n'a récupéré qu'un corps déchiqueté, alors que ma fille était jeune et belle”, dit-elle, avant d'éclater en sanglots. Depuis sa mort, elle est malade et rien n'est plus comme avant. Toute l'assistance a partagé sa douleur. Un vieux, non loin d'elle, lança larmes aux yeux : “Je n'ai pas pu supporter de voir ces avocats. Moi aussi ma fille qui était étudiante et rêvait d'être avocate, Rabbi yakhalshoum.” Un jeune homme qui a perdu son frère déclara : “Je suis venu par curiosité pour voir leur visage, eux qui ont brisé des familles entières à jamais, gratuitement.” Une jeune fille qui boitait, car handicapée depuis l'attentat, a préféré s'isoler dans un coin, loin des accusés. Elle nous explique que depuis l'attentat dont elle a été victime, elle ne supporte jamais de sortir, encore moins de prendre le bus. “Je suis choquée à vie, chaque fois je me dis que ça va s'exploser.” Elle ajoute qu'elle n'a bénéficié d'aucune prise en charge, sauf une indemnité de 60 000 DA. Même chose pour le père d'une petite élève de 5 ans, blessée ce jour-là, car elle se trouvait à l'école non loin du siège de l'ONU. “Je l'ai fait opérer dans une clinique privée ou j'ai dû verser 50 000 DA et 14 000 DA pour les soins ; depuis, ma petite est traumatisée. Elle ne peut plus rester devant un véhicule stationné.” Le juge Belkharchi entre dans la salle et demande au greffier de faire appel à la partie civile. Et ce sont plus de 213 personnes qui se sont constituées, les ayants droit, les blessés, dont 3 étrangers, ainsi que le Trésor public et la SAA. Dans cette affaire, 13 personnes sont poursuivies pour adhésion à un groupe terroriste, détention et usage d'explosifs et armes à feu, homicide volontaire avec préméditation, homicide collectif avec explosifs, association de malfaiteurs, atteinte à la sécurité de l'Etat, faux et usage de faux et blanchiment d'argent. Parmi les inculpés figure, “l'émir” du GSPC, Abdelmalek Droukdel, Abdelmoumen Rachid, alias Hodeïfa Abou Younès Assimi, l'“émir” de la zone 2 et, pour la première fois, Kacimi Salah, alias Med Abou Salah, le responsable de la communication et la propagande au sein du GSPC et qui a revendiqué ces attentats dans des enregistrements, ainsi que le nommé Ghadbane Khemis, alias Abou Bakr, le kamikaze de Bouira. Ils seront jugés par contumace. Pour rappel, ce double attentat est le plus meurtrier qui a marqué l'année 2007. Cinquante-deux personnes, dont des étudiants, des employés du HCR à Hydra et du Conseil constitutionnel à Ben Aknoun, avaient été tuées.