Le mis en cause, un homme de 25 ans, est appelé à la barre pour répondre à l'accusation qui stipule : « Vol de bijoux et d'argent en numéraires d'un montant de trois millions de centimes. » Le « crime » est commis aux dépens d'une dame d'une soixantaine d'années. Cette dernière se présente à la barre après avoir été invitée par le président de l'audience. Elle évoque cette soirée d'été, « suffocante, dit-elle, au point que l'on fut obligé de dormir par terre ». La « victime » parle avec force détails, se rappelant que cette nuit-là, les voisins d'à côté, qui avaient marié leur fils, jubilaient aux sons d'un orchestre chaâbi. Elle souligne aussi le fait que le haut- parleur était pratiquement accroché à sa fenêtre et que les décibels débités par le « aladji » (le chanteur chaâbi) ne gênaient aucunement sa quiétude. Une façon de signifier, pour cette « Algéroise de culture », que le chaâbi fait partie de son univers. Le président de l'audience, à côté duquel s'entasse une pile de dossiers liés à d'autres affaires, enjoint la dame à entrer dans le vif du sujet. « Racontez-nous l'essentiel de l'affaire. Selon vous l'auteur du vol est bien cet homme qui est à la barre ? », questionne le juge. « Oui sid erraïs ! », répond la sexagénaire. Le juge : « L'avez-vous vu de vos propres yeux ? » « Non monsieur le président, mais il n'y a aucune autre personne qui aurait commis cet acte », relève-t-elle, presque avec assurance. Et de poursuivre : « C'est un parent à moi. Cette soirée où il devait assister à la soirée chaâbie, il a fait un crochet chez moi et il est ressorti quelques instants après. Le lendemain matin, en jetant un coup d'œil à mon sac où étaient entreposés mes bijoux et 3 millions de centimes. C'est le choc. Il était vide. » L'accusé ne bronche pas. Sauf lorsqu'il est interpellé par le magistrat. Il nie en bloc. Son avocat plaide le bénéfice du doute. Son mandant, dit-il, est un habitué des lieux. La robe noire sollicite du président une « question » qui pourrait, selon elle, éclairer l'assistance. Le défenseur s'adresse alors à la dame. « Ce jeune homme que vous accusez de vol, vient-il souvent chez vous ? » La victime : « Oui. » L'avocat, avec la permission du juge. « Ce jeune homme a-t-il déjà commis par le passé un acte de ce genre ? Est-ce qu'il vous a déjà volé ? » La sexagénaire : « Oui il m'a déjà volé lorsqu'il avait, je crois,11 ans. Il m'avait pris une petite somme d'argent. » L'avocat, s'adressant au président de l'audience : « Je veux savoir monsieur le président comment peut-on ouvrir la porte à quelqu'un si celui-ci n'est pas au-dessus de tout soupçon. Elle dit qu'il a déjà commis un vol, chez elle, lorsqu'il était adolescent. Pourquoi donc accueillir un délinquant ? », s'interroge l'avocat. La défense, en posant ces questions voulait apparemment piéger la victime. Elle sollicite la relaxe dans la mesure que l'accusation ne repose pas sur une preuve tangible. Finalement, c'est le bénéfice du doute qui a primé lors de cette audience publique de la chambre pénale du tribunal d'Hussein Dey, le 17 février 2008. Le verdict est tombé une semaine après : six mois de sursis et 10 000 DA d'amende.