Me Boulanouar du barreau d'Oran « La situation n'est pas pire qu'ailleurs, mais elle pourrait être mieux. Nous avons un texte qui garantit parfaitement le droit à la défense. Par ailleurs, il faut savoir que nous pouvons donner aux avocats que les moyens de leur liberté, mais on ne peut les obliger à être libres. Tout l'équilibre institutionnel entre ceux qui enquêtent, instruisent, jugent et ceux qui défendent qui est touché par une loi, promulguée pour lutter contre la corruption. Celle-ci oblige l'avocat à dénoncer un fait dont il a eu connaissance même si ce n'est pas son client, sous peine d'être poursuivi. L'avocat défenseur est transformé en délateur et le principe du secret professionnel violé, sans que personne ne réagisse. Nous sommes devant une véritable remise en cause de la profession d'avocat, et la corporation reste inerte. » Me Mohamed Hafed Boutebba, barreau de Batna « La loi 91-04 est devenue obsolète par rapport à l'environnement judiciaire actuel. Par ailleurs, s'agissant de la guerre autour de l'élection des bureaux des conseils de l'Ordre des différentes régions, il serait plus efficace et judicieux d'y prétendre de la part des avocats qui ont dû prouver pendant leurs carrières leur capacité à se défendre tout d'abord pour prétendre à la défense des tiers et a fortiori du corps en entier. Ce serait sur la base de constats empiriques de fait et non sur la base d'allégeance opportuniste intéressée. Il est des cas où le seul intérêt à se faire élire consistait à en faire un ‘‘registre du commerce'' pour le bien de tous vis-à-vis d'une clientèle crédule, ou bien parfois pour finaliser un règlement de compte le plus souvent contre un confrère ou une consœur supplantant des ambitions professionnelles peu fondées. A notre humble avis, cette profession si noble devait justifier ses véritables attributs par la probité intellectuelle avant toute chose et par-là même imposer le respect qu'on lui doit à commencer par se faire sa place véritable et inconditionnelle dans l'institution judiciaire sans se départir du principe de solidarité de corps nécessaire à la pérennité de ce pourquoi il a été fondamentalement créé. » Me Soudani du barreau de Constantine « Les graves incidents qui ont marqué les dernières élections pour le renouvellement des bureaux des barreaux reflètent la grave situation à laquelle est arrivée la corporation. Le recours à des procurations de stagiaires, sommés par leurs directeurs de stage de signer à blanc, est une grave dérive. La situation est dramatique marquée par une grave atteinte aux droits à la défense. Le terrain est devenu vicié à cause de la prise d'otages dont sont victimes les stagiaires. Les voix sont utilisées de force par des candidats qui veulent se maintenir au sein du conseil ou qui veulent se placer à l'intérieur. La profession repose sur 4 critères : la compétence, l'indépendance, le courage et la moralité. Or, la quasi-majorité des avocats n'a aucun de ces critères. Les jeunes avocats sont non seulement mal formés, mais aussi mal encadrés dans les barreaux et se retrouvent privés ainsi d'un espace pour s'épanouir. La profession doit revenir à ses règles déontologiques d'antan et empêcher qu'un bâtonnier puisse rester à son poste pendant 23 ans. » Me Abderrahmane Boutamine du barreau de Annaba « L'image qu'a laissé l'élection du nouveau conseil de l'Ordre est désolante. Des bandes rivales qui se font une guerre violente pour être au barreau. Un bureau sortant qui, après avoir bloqué les demandes de stage pendant tout le mandat, la veille de l'élection, il décide d'agréer 1030 stagiaires. La profession des avocats est devenue celle d'une organisation de masse qui sert à l'allégeance. Les graves dérives ont commencé au moment où on a jumelé la conférence des avocats qui était purement professionnelle à une journée commémorative, à laquelle on a associé le gouvernement et désigné et accepté le parrainage du Président, auquel a été décerné le titre honorifique de bâtonnier national. Les candidats se disputent les sièges pour des intérêts personnels et non pas pour renforcer le droit à la défense. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale discute le projet de code de procédure pénale, et aucun avocat ne semble se soucier de ce qui va être retenu sans leur participation. Qu'est-ce qui les intéressent alors ? Uniquement la réconciliation nationale ? La déliquescence a gagné les barreaux et les intérêts personnels ont primé sur l'intérêt général. Il y a 20 ans, on suppliait les anciens avocats pour se présenter comme bâtonnier, parce que cela demandait du sacrifice et de la disponibilité. Aujourd'hui, il faut des batailles rangées pour les chasser de leurs sièges. C'est désolant... La profession est en danger. » Me Arezki Aït Larbi du barreau d'Alger « La profession est mal organisée. Ce qui explique le malaise que vivent les avocats. Les problèmes commencent par la dépendance du juge qui ne réagit qu'aux instructions, et se terminent par le quotidien vécu dans les tribunaux. La loi régissant la profession n'est pas du tout dépassée, mais le problème réside dans le fait qu'elle prévoit l'accès au certificat d'aptitude à la profession d'avocat (Capa) aux licenciés en droit, sans concours préalable, comme cela se fait pour toutes les autres professions liées à la justice. Avant, être bâtonnier est la consécration d'un capital de plus de 20 ans de métier, or aujourd'hui, les candidats s'insultent et se font violence pour arracher ce qui est devenue une promotion. » Me Abdelaziz Tiar du barreau de Blida « Ce qui s'est passé au barreau de Blida est scandaleux. Un scrutateur candidat qui profite de la fatigue pour frauder au moment du dépouillement, poussant au report de cette opération pour jeudi prochain. Les candidats du troisième mandat ont la mainmise sur toute l'opération de vote et tiennent en otages les jeunes stagiaires auxquels ils ont arraché des procurations pour utiliser leurs voix. Ces pratiques n'encouragent pas l'alternance et montrent que la profession s'est vraiment clochardisée. Les plus anciens des avocats ont fini par se retirer après avoir perdu tous leurs repères. Les jeunes avocats sont livrés à eux-mêmes, sans aucun encadrement, ce qui rend l'avenir de la profession incertain. »