C'est dans un climat très électrique qu'a été tenue hier l'assemblée générale extraordinaire du bâtonnat d'Alger à la Centrale syndicale. Intervenant 24 heures après la décision du Conseil d'Etat, annulant l'élection des membres du bureau en février 2008, l'assemblée avait pour ordre du jour le débat autour de l'avant-projet de loi portant organisation de la profession d'avocat, présenté par le ministère de la Justice. Néanmoins, les événements de la veille ont forcé le bâtonnier d'Alger, Me Sellini, à s'exprimer sur la décision de dissolution de son bureau. Après avoir observé une minute de silence à la mémoire des martyrs de Ghaza, Me Sellini a commencé par déclarer : « Malheureusement, ce débat a coïncidé avec la décision d'annulation des élections de février 2008. Nous ne voulons que la légitimité des urnes. Nous allons refaire les élections dans le cadre de la loi, car cela ne nous dérange nullement... », a lancé Me Sellini, en précisant néanmoins que « la préoccupation majeure » de l'assemblée générale est « de discuter de cet avant-projet qui menace le droit de la défense ». Devant un parterre de près de 400 avocats, Sellini a fait état d'une dizaine d'articles dans ce projet de loi qui « violent » le principe de la défense, soulignant au passage que « la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante ». Dans le projet de loi, a-t-il dit, il y a une volonté délibérée de mettre les avocats sous tutelle du ministère de la Justice à travers un article qui oblige le Conseil de l'Ordre des avocats à lui transmettre des rapports sur toutes ses activités, délibérations, décisions, même les plus futiles comme délivrer un agrément pour l'ouverture d'un cabinet. « Mieux, le ministère a même les prérogatives d'annuler ce qu'il veut. En clair, la profession va être mise sous tutelle du ministère... », a expliqué le bâtonnier. « Imaginez ! Un avocat pour plaider devant la cour doit avoir 7 années d'expérience, alors que pour plaider devant la Cour suprême, il lui faut cumuler 12 années de barreau. Est-ce normal qu'un avocat ne puisse être agréé à la Cour suprême qu'une fois arrivé à la retraite ? Ce sont ces aberrations que j'ai, en tant que bâtonnier national, rejetées ; ce qui m'a valu les foudres de la chancellerie. J'ai attiré l'attention du président de l'Union des avocats sur la dernière mouture et celui-ci la rejette parce qu'elle constitue un danger pour la profession. C'est alors que la décision du Conseil d'Etat annulant les élections de février est tombée comme une sanction. Mais nous allons refaire les élections... », a déclaré Me Sellini, avant que Me Chaoui, l'un des candidats qui a saisi le Conseil d'Etat, n'intervienne : « Ne me citez pas. Jusqu'à présent, je n'ai rien dit à votre sujet... » La réaction de Sellini a été : « Fermez-là... ! », avant de présenter ses excuses. Renforcer le droit de la défense. Selon le bâtonnier Bouabdellah, ce serait une erreur d'exiger le retrait total du projet, « car cela n'est dans l'intérêt ni des avocats ni des justiciables ». Me Hocine Zehouane a mis en exergue l'importance du renforcement du droit de la défense, seul à même de garantir un Etat de droit, avant d'appeler ses confrères à se joindre au cabinet d'avocats qui s'est constitué pour engager une action en justice contre Israël pour crimes de guerre commis contre la population de Ghaza. En fin de journée, l'assemblée a adopté plusieurs résolutions, à commencer par le retrait du projet de loi portant organisation de la profession d'avocat. Elle a appelé à la révision de ce projet de texte dans le sens de la protection et du renforcement du droit de la défense et de la garantie du caractère indépendant et libéral de la profession, en la préservant de toute immixtion ou interférence de quelque nature que ce soit. L'assemblée a également exhorté le président de la République, en tant que premier magistrat du pays, à préserver le droit de la défense, conformément à ses orientations exprimées lors de la conférence des avocats en 2006. Enfin, l'assemblée générale, tout en se déclarant ouverte, a exprimé son soutien aux actions du barreau d'Alger, notamment dans ses efforts pour le renforcement du droit de la défense, afin d'aboutir à un texte qui puisse répondre aux aspirations de la profession.