Plus de 700 000 Palestiniens de la bande de Ghaza, un territoire étroit et pauvre, se sont rués sur le côté égyptien, profitant de larges brèches produites dans la clôture érigée sur la ligne de frontière à l'aide d'explosifs et de bulldozers, par des hommes armés qui, selon des témoins, appartiennent au mouvement islamiste Hamas qui contrôle en solo la bande de Ghaza depuis la mi-juin 2007. Ghaza : De notre correspondant Au troisième jour de cet événement particulier, survenu après un blocus total de l'enclave palestinienne, imposé par l'Etat hébreu depuis le 17 janvier, le flux de personnes qui faisaient le déplacement n'a pas baissé, tellement les besoins en toutes sortes de produits étaient grands. Mais rapporter des produits de première nécessité, des médicaments, du ciment, des cigarettes, du bétail, des pièces de rechange pour toutes sortes de véhicules, des motocycles, des ordinateurs, des boissons gazeuses, chips, chocolat,... n'était pas le seul objectif de ces milliers de personnes qui ont décidé de franchir la frontière. Une grande majorité, qui n'a pas l'argent nécessaire pour faire des achats, a fait le déplacement juste pour changer d'air, sortir de la grande prison qu'est la bande de Ghaza et vivre quelques heures de liberté. Il faut souligner que le voyage n'est pas de tout repos, bien au contraire. Si au niveau de la frontière - d'habitude leur bête noire - ils n'ont pas eu à présenter leurs documents d'identité et leurs passeports , ils ont, par contre, dû parcourir de longues distances à pied, car les moyens de locomotion du côté égyptien ne pouvaient subvenir aux besoins d'un aussi grand nombre de personnes à la fois. Les Egyptiens ont sauté sur l'aubaine pour faire monter les prix qui ont plus que doublé. Tout est devenu plus cher dans la ville frontière de Rafah El Masriya et même plus loin dans la ville d'El Aarish, distante de 40 km. Abou Ali, un homme de 45 ans qui a fait le déplacement, nous a dit : « Je n'ai presque rien acheté, les prix ont augmenté de façon incroyable. D'heure en heure, les choses devenaient plus chères et malgré cela, les étalages des magasins égyptiens ont été vidés. Plusieurs ont baissé rideau, car ils n'avaient plus rien à vendre. J'ai même eu du mal à me trouver un sandwich ou une bouteille d'eau pour assouvir ma soif après le long parcours à pied. Ceux qui ont profité de cette ouverture sont les grands commerçants qui achètent en gros. De grandes quantités de ciment et de cigarettes sont entrées du côté palestinien. Sans compter les milliers de bidons d'essence et de mazout, c'est-à-dire les produits qui manquaient le plus depuis des mois à Ghaza. Les pauvres, qui espéraient faire des achats à des prix bas, ont été plutôt déçus. Mais même s'ils sont rentrés bredouilles, ils étaient contents de changer d'ambiance le temps de quelques heures. » Malgré la poursuite de l'embargo israélien, les coupures de courant partielles mais qui peuvent s'étaler sur plus de 12 heures par jour, on peut affirmer que l'événement vécu à la frontière avec l'Egypte a eu des répercussions sur l'ambiance générale qui règne à Ghaza. La circulation automobile est moins dense que d'habitude dans le centre-ville, mais beaucoup plus importante sur les routes qui mènent à la frontière. Des quantités énormes de cigarettes se vendent dans le lieu nommé Essaha (place de la Palestine) au centre-ville, beaucoup moins chères qu'avant. Au temps fort du blocus, le paquet de cigarette se vendait à cet endroit à 10 dollars pour certaines marques, aujourd'hui, le prix est tombé à moins de 2 dollars pour la grande satisfaction des fumeurs, et Dieu sait qu'ils sont très nombreux à Ghaza. Essaha est devenue un grand bazar où l'on trouve de tout. Certains vendeurs sont des Egyptiens qui ont ramené leur marchandises afin de l'écouler à bon prix à Ghaza. Les forces de sécurité égyptiennes ont tenté vendredi de contrôler cette ligne de frontière, mais ont été très vite dépassées par le flux énorme de personnes dont certaines ont fait le voyage à plusieurs reprises. Les observateurs pensent qu'il faudrait au moins 4 à 5 autres jours avant que les choses ne puissent revenir à la normale. En attendant, les Palestiniens continueront de jouir de cette liberté de circulation, même s'ils sont convaincus qu'elle n'est que provisoire.