La capitale éthiopienne abrite, à partir d'aujourd'hui, une série de trois sommets africains dont l'un au caractère ordinaire réunissant tous les Etats membres de l'UA (Union africaine) et les autres plus spécifiques puisqu'ils portent sur le Nepad, le plan de développement de l'Afrique, ainsi que le MAEP, le mécanisme d'évaluation par les pairs. Mais incontestablement, le poids des conflits absorbera l'essentiel des discussions. t Cette fois, c'est chez le voisin kenyan que la crise fait rage. Un nouveau conflit, un de plus mais aussi un de trop. Aussi bien le président sortant de l'UA qui parle de génocide, que son médiateur, l'ancien Secrétaire général de l'ONU, bien pessimiste dans son analyse. « Ce n'est pas une simple crise politique », a déclaré Kofi Annan. Les causes sont profondes et le pays se retrouve donc menacé dans son existence. Ainsi donc, cette crise était hier au cœur des discussions des ministres africains des Affaires étrangères qui préparent le sommet de l'UA, qui s'ouvre aujourd'hui à Addis-Abeba. Le ministre kenyan des Affaires étrangères, Moses Wetangula, « a tenté lundi de faire comme si de rien n'était et de présenter un rapport sur la situation dans son pays, heureusement des pays se sont insurgés, comme l'Afrique du Sud, et ont demandé que le cas du Kenya soit examiné en même temps que la situation des crises et conflits en Afrique », selon un participant. « L'affaire kenyane est grave et on ne peut pas juste entériner ce que veut nous présenter le régime du président Mwai Kibaki », a commenté de son côté un haut responsable de la Commission de l'UA. « Il n'y aura pas de blanc-seing donné au gouvernement durant ce sommet ». Dans les couloirs de l'UA, le Kenya est sur toutes les lèvres. « Les machettes ça fait peur, en Afrique ça rappelle des choses terribles comme le génocide au Rwanda. Il faut que les violences cessent pour que le Kenya ne bascule pas », selon le ministre sénégalais des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio, alors que son homologue éthiopien, Seyoum Mesfin, se dit « inquiet ». « Nous attendons que le président de l'UA (le président ghanéen John Kufuor) informe complètement l'Assemblée parce qu'il a été là-bas. Ensuite nous prendrons une décision », a-t-il déclaré à des journalistes. L'opposition kenyane a envoyé une délégation à Addis-Abeba pour faire pression sur le sommet. Le secrétaire général du Mouvement démocratique Orange (ODM, de Raila Odinga) a demandé lundi à l'UA d'exclure le président réélu Mwai Kibaki de son prochain sommet. « Les violences actuelles et le chaos qui règnent au Kenya sont le résultat direct de la décision de Mwai Kibaki de refuser d'accepter la défaite électorale. Il ne devrait pas être autorisé à participer au sommet », a réclamé le secrétaire général de l'ODM, Anyang Nyongo. « Toute reconnaissance par l'UA du gouvernement de Mwai Kibaki va clairement menacer et nier toute la logique des efforts de médiation de l'UA menée par Kofi Annan », a-t-il ajouté. MM. Kibaki et Odinga ont entamé mardi, en présence de Kofi Annan, des pourparlers pour résoudre la crise. M. Annan a estimé qu'il était possible de résoudre les problèmes fondamentaux de la crise kenyane « d'ici un an » à l'ouverture des pourparlers à Nairobi. Le chef de l'opposition kenyane Raila Odinga rejette les résultats de la présidentielle du 27 décembre et accuse M. Kibaki d'avoir fraudé pour lui voler la victoire. Près de 1000 personnes ont été tuées et environ 250 000 déplacées dans les violences qui ont suivi l'annonce le 30 décembre de la réélection du président Kibaki. Les violences entre communautés, liées à l'élection, ont attisé d'anciens conflits fonciers jamais résolus depuis l'indépendance. Le ministre kenyan des Affaires étrangères a, quant à lui, dénoncé lundi « des cas sérieux de nettoyage ethnique ». « Je sais qu'il y a eu des cas très graves de nettoyage ethnique et certains observateurs ont utilisé le mot de génocide », a-t-il déclaré. « Nous devons résister au risque de tomber dans des comportements génocidaires ». Il n'est pas loin des analyses faites précédemment. En soi, l'aveu est important puisqu'il indique le degré de cette crise et de son caractère, aussi, il est important que l'Afrique ait fait preuve de fermeté face aux dirigeants kenyans. Elle demeure dans sa logique d'opposition aux coups de force et de développement de la bonne gouvernance.