Cette fois, il ne s'agit plus de simples combats dans une lointaine contrée proche généralement d'une frontière d'un pays voisin qui sert de refuge, ou de bombardements sur des sites identiques géographiquement mais d'affrontements aux portes même de la capitale tchadienne. Des combats ont éclaté vendredi matin à Massaguet, à 50 km au nord-est de N'Djamena, entre les forces gouvernementales et une colonne de rebelles tchadiens qui a traversé le pays en quelques jours, a-t-on appris de sources militaires et rebelles. « Des combats assez lourds sont en cours depuis une heure entre l'armée et les rebelles à Massaguet », ont précisé ces sources. « L'impression est que l'essentiel de la colonne rebelle est là-bas », ont ajouté ces mêmes sources. L'un des chefs de l'Alliance des trois principaux groupes armés tchadiens, Timan Erdimi, a affirmé : « je suis en plein combat. Les forces gouvernementales nous ont attaqués à Massaguet. On est en train de les repousser, de les suivre en direction de N'Djamena ».« Les combats sont lourds et l'aviation (tchadienne) nous bombarde », a-t-il précisé. La localité de Massaguet se trouve à 50 km à vol d'oiseau au nord-est de la capitale tchadienne, mais à 80 km par la route reliant N'Djamena à l'Est du pays. Depuis le début de la semaine, une colonne de rebelles tchadiens, composée de quelque trois cents pick-up, a traversé le pays sur environ 700 km, évitant l'armée et l'affrontement direct jusque-là. M. Erdimi avait précisé, jeudi que cette colonne s'était « divisée en plusieurs groupes autour de N'Djamena ». Le chef rebelle, qui s'est allié fin 2007 avec les responsables d'autres groupes, Mahamat Nouri et Abdelwahid Aboud Makaye, avait donné au président Deby jusqu'à hier pour « ouvrir de vraies négociations sur le partage du pouvoir ». « Si d'ici demain il n'y a pas de négociations, il y aura la guerre », avait-il prévenu, sans pour autant faire du départ du chef de l'Etat, dont il est un neveu, un préalable. Toutefois, la capitale tchadienne, où un important dispositif militaire a été déployé, était calme et peu animée hier. Dans le centre-ville, de nombreux commerces étaient fermés et des militaires patrouillaient, tandis que les bâtiments officiels comme les ministères ou la Radio étaient protégés par des chars. L'armée tchadienne s'est également déployée aux principaux carrefours. Indices importants, le lycée français est demeuré fermé pour le deuxième jour consécutif et les chancelleries notamment, l'ambassade de France, ont renouvelé leurs consignes de prudence et de sécurité à leurs ressortissants. La France à elle seule compte quelque 1 500 ressortissants habitant dans la capitale tchadienne, où sont stationnés depuis 1986, des soldats français dans le cadre du dispositif Epervier. La réaction française est d'ailleurs révélatrice de la situation dans ce pays. En effet, une compagnie de combat de 126 soldats français a quitté, dans la nuit de jeudi à vendredi, Libreville pour N'Djamena afin de renforcer le dispositif militaire français au Tchad, a indiqué une source militaire française. « Une autre compagnie de même constitution et de même volume est en alerte », a précisé un officier français. Jeudi, en fin d'après-midi, une partie des rebelles ont été repérés de 150 à 200 km de N'Djamena, les autres s'étant apparemment dispersés, a t-on indiqué. Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, s'est contenté de dire que la France remplirait ses engagements à l'égard du Tchad mais sans dire lesquels. Dans son entourage, on précise que la France s'en tiendrait « à son accord avec le Tchad qui prévoit un soutien logistique aux forces armées tchadiennes et une aide en matière de renseignements ». Pour M. Morin, ces événements sont « directement liés » du déploiement au Tchad et en Centrafrique de l'Eufor Tchad-RCA, de la force européenne qui doit protéger des centaines de milliers de personnes déplacées ou réfugiées en raison du conflit qui fait rage au Darfour (ouest du Soudan). Même « neutre », a estimé M. Morin, l'Eufor Tchad-RCA « va gêner les desseins des rebelles tchadiens », en limitant leur liberté de mouvement. La France doit contribuer avec environ 2100 hommes à cette force européenne qui en comptera à terme près de 3700. Sauf que dans le cas du Tchad, c'est une longue histoire de combats, de rébellions et de prise du pouvoir par la force. En outre, la France est souvent accusée de parti pris, voire de soutien au pouvoir en place. Que fera-t-elle cette fois-ci puisque le danger est imminent et le risque plus grand qu'auparavant avec des combats de plus en plus rapprochés du centre du pouvoir ?