Tout, depuis jeudi, laissait penser à un changement, par la force bien entendu, rapide de régime au Tchad, mais l'offensive rebelle semblait piétiner hier aux portes de la présidence tchadienne ou dans sa proximité immédiate. Le président Idriss Deby résistait et refusait même de quitter le pays comme le lui proposaient les dirigeants français qui s'étaient engagés à assurer sa sécurité. Il disposait encore de quelques centaines d'hommes et de quelques hélicoptères qui ont réussi à décoller et bombarder les positions rebelles. En tout état de cause, cela semble vain et même inutile, à entendre le ministre français de la Défense qui se disait persuadé que la journée d'hier allait être capitale, sans dire en quoi. Sur le terrain, la situation était « globalement calme » hier en milieu de journée à N'Djamena où seuls des tirs sporadiques d'armes automatiques étaient entendus au deuxième jour des combats opposant les forces gouvernementales à des rebelles tchadiens, selon une source militaire. « Il y a des opérations militaires des deux côtés. La situation reste très incertaine et il est difficile de déterminer qui contrôle quoi. » Autour du quartier de la présidence, « c'est mouvant », a-t-on ajouté de même source. Une autre source militaire a confirmé cette impression en soulignant que les « belligérants se cherchent. » « Les combats se sont calmés », a indiqué pour sa part le porte-parole de l'Alliance des rebelles, Abderaman Khoulamallah. « On a fait une première offensive ce (hier) matin pour tester leur capacité de résistance. Ils ont une capacité militaire grâce aux chars et aux hélicoptères mais ils manquent d'hommes », a-t-il dit, précisant que les rebelles, au cours des combats de la matinée, avaient « détruit trois chars » avant de « faire une pause ». En début de matinée, des tirs d'armes lourdes avaient été enregistrés dans le centre-ville de N'Djamena. Des tirs de canons de chars et d'armes automatiques avaient aussi été entendus en provenance du centre-ville où est située la présidence tchadienne. Selon des sources militaires, des hélicoptères de l'armée tchadienne avaient aussi décollé et ouvert le feu. Ils avaient décollé de la base militaire tchadienne à l'aéroport où se trouve également la base française du dispositif Epervier. Entre deux offensives, il a été fait état de centaines de blessés, surtout civils, à N'Djamena, touchés par des « balles perdues ». La rébellion a aussi attaqué hier la préfecture d'Adré, à la frontière du Soudan (est) avec, selon le préfet tchadien de la région, le soutien de l'aviation soudanaise, selon une source gouvernementale tchadienne. « Les rebelles sont soutenus par des hélicoptères soudanais et des Antonov de l'armée soudanaise », a déclaré le général Abadi Saïr. « Ils sont nombreux mais on résiste. » Eternelle image de ces conflits à répétition, celle de l'évacuation des ressortissants étrangers. Plus de 500 d'entre eux, dont 217 Français, ont été évacués vers Libreville par des vols militaires français. Samedi, l'aviation française s'était bornée à sécuriser l'aéroport pour les évacuations. « Les Français ne sont pas intervenus » samedi, a reconnu le porte-parole des rebelles, Abderaman Koulamallah. « Nous ne sommes pas allés prendre l'aéroport pour ne pas gêner l'évacuation des ressortissants étrangers, et maintenant l'armée française laisse décoller les hélicoptères (tchadiens) qui viennent nous attaquer », a-t-il toutefois regretté. La première victime de ces combats était hier l'échec annoncé de la médiation africaine confiée samedi par l'UA (Union africaine) au leader libyen et au chef de l'Etat congolais. Tripoli avait pourtant affirmé que Mahamat Nouri, l'un des trois chefs de l'Alliance rebelle, acceptait cette trêve. Le général Nouri « a dit d'accord, mais à condition que les deux autres chefs de l'Alliance (Timan Erdimi et Abdelwahid Aboud Makaye), acceptent aussi », a nuancé ensuite Abderaman Koulamallah. Reste alors cette accusation dirigée contre le Soudan alors que le Tchad a connu depuis son indépendance de multiples changements selon un même mode opératoire, celui de la force. Celui qui en est la cible aujourd'hui en sait quelque chose. Le président Idriss Deby Itno, ancien chef militaire, est arrivé au pouvoir par les armes en 1990, lui aussi à partir du Soudan. Après tout ce qui a été avancé depuis 2005, des experts estiment cette fois que le voisin entend perturber le lancement de la force européenne de 3700 hommes au Tchad et en Centrafrique (Eufor) destinée à protéger les réfugiés du Darfour (ouest du Soudan). L'histoire de cette région reste à écrire.