Les rebelles tchadiens ont pris, hier, la capitale après un combat de trois heures. Au moment où les chefs d'Etat et de gouvernement présents à Addis-Abéba, pour le 10e sommet de l'Union africaine, tentaient de trouver un terrain d'entente entre les deux parties kenyanes en conflit - qui a induit des violences qui se sont soldées par la mort de plus de 1000 personnes -, c'est le Tchad qui fait irruption, de manière violente, dans les salles de conférence feutrées de l'UA. Un Tchad où l'offensive rebelle semble avoir pris de court l'armée tchadienne qui n'opposa qu'une résistance approximative mais acharnée. Trois heures de combat auront suffi à la rébellion pour investir et occuper N'Djamena qui est ainsi tombée, à la mi-journée d'hier, aux mains des rebelles. Hier, tout un chacun s'interrogeait sur le sort du président tchadien, du président Idriss Deby Itno, qui se trouvait au Palais présidentiel lors des combats, qu'il n'a pas quitté selon des sources militaires et d'autres proches de la présidence tchadienne. Selon une autre source militaire tchadienne, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat, les rebelles se sont emparés de la ville, indiquant: «Toute la ville est entre les mains des rebelles. Il n'y a plus que des combats de nettoyage.» Cette même source a précisé que le président Deby était «toujours à la présidence». Les nouveaux combats, après plusieurs mois d'accalmie, ont commencé vendredi lorsque des rebelles lourdement armés ont ouvert les hostilités en attaquant les garnisons de l'armée tchadienne près de la ville de Massakori, à moins de 80 kilomètres de la capitale, avant de progresser vers N'Djamena, investie à l'aube de la journée d'hier. Dans un premier temps, l'armée tchadienne avait alors annoncé avoir contenu l'avancée des rebelles et que leurs attaques avaient échoué. Toutefois, sur le terrain, les choses étaient autres et les rebelles, forts d'une phalange estimée à plus de 2000 hommes, ne semblaient pas avoir rencontré de grandes difficultés dans leur avancée vers la capitale. De fait, l'offensive de la rébellion tchadienne semble avoir pris de court les politiques et les militaires tchadiens qui donnaient l'impression de n'avoir aucune mesure ou mis en oeuvre une stratégie permettant de repousser l'attaque rebelle. Or, selon des sources proches des autorités politiques et militaires tchadiennes, le président Deby Itno, qui est dans le même temps chef militaire et d'état-major, - il est arrivé lui-même au pouvoir après avoir chassé Hissène Habré - a pris vendredi la tête d'un détachement de l'armée au front pour tenter d'arrêter l'avancée des rebelles. Ces derniers venus, selon des sources militaires tchadiennes, du Soudan voisin ont rapidement progressé vers la capitale sans rencontrer de véritable résistance. Les rebelles arrivés dans des 4x4 étaient équipés d'un armement lourd composé de mitrailleuses, de lance-roquettes et de fusils d'assaut kalachnikov. La rencontre des deux forces armées, rebelles et loyalistes - ces dernières dirigées par le président Deby en personne - vendredi après-midi, à une cinquantaine de kilomètres de N'Djamena, a donné lieu à de violents affrontements qui n'ont pas permis cependant à l'armée tchadienne de venir à bout des rebelles, contraignant en revanche le président Deby à revenir sur la capitale. Hier, aux premières heures du jour, les rebelles investissaient les faubourgs de la ville avant de s'opposer de front à l'armée qui n'a pu sauver N'Djamena de la chute, la capitale tombant comme un fruit mûr aux mains des rebelles. Ce que confirmaient hier plusieurs agences internationales sur place à N'Djamena. Aucun bilan ne semble disponible dans l'immédiat, ce qui fait que les pertes, d'un côté comme de l'autre, restaient, hier, inconnues. La nouvelle situation induite par les combats au Tchad a fait réagir le nouveau président de la Commission de l'UA, Jean Ping, l'actuel chef de la diplomatie gabonaise, qui a déclaré sans ambages aux journalistes, en marge des travaux du sommet de l'UA, que l'Union africaine «n'accepterait pas de changement anticonstitutionnel», indiquant: «La situation au Tchad est un important sujet de préoccupation. Nous sommes très inquiets. Il y a déjà eu des résolutions de l'UA pour dire que l'UA n'acceptera plus de changements de gouvernement anticonstitutionnels parmi ses Etats membres.» Notons, toutefois, que la déclaration de M.Ping a été faite avant la chute de N'Djamena et sa prise par les rebelles. De son côté, la France, ancienne puissance coloniale, qui a des rapports de coopération privilégiés avec N'Djamena, avait relevé jeudi le niveau d'alerte du dispositif «Epervier», avant de décider le lendemain d'envoyer au Tchad «un contingent supplémentaire de 150 hommes par mesure de précaution», avait indiqué le colonel Thierry Burkhard, porte-parole adjoint de la cellule de communication de l'état-major des armées françaises, lequel ajouta que les renforts français seraient appelés à «réagir à l'évolution de la situation». Comment Paris va-t-il apprécier et comment va-t-il réagir à la situation créée par la chute de N'Djamena? Les accords entre Paris et N'Djamena prévoient-ils une «intervention» militaire dans des cas de figure comme celui qui vient de se produire avec la chute de la capitale tchadienne aux mains des rebelles? L'implication de la France au Tchad depuis plusieurs années rendait ces questions pertinentes encore que les réponses sont loin d'être évidentes. Cependant, Paris a condamné, hier, dans un communiqué du ministère français des Affaires étrangères, la «tentative» de prise de pouvoir par «la force» indiquant que la France «condamne fermement la tentative de prise du pouvoir par la force» au Tchad «par des groupes armés venus de l'extérieur». Par ailleurs, la dégradation inattendue de la situation au Tchad a eu pour effet la remise à des temps plus sereins, le déploiement des premières unités de la Force de maintien de la paix au Tchad (Eufor, mise sur pied par l'Union européenne). Retranché au Palais présidentiel, Idriss Deby Itno, a tenté de desserrer l'encerclement sans succès indiquaient, en fin de matinée d'hier, des sources militaires. De fait, au moment où nous écrivons ces lignes, le sort de M.Deby Itno restait inconnu.