Des milliers de Tchadiens viennent s'ajouter aux millions de réfugiés que compte l'Afrique. Tous fuient les guerres qui embrasent leurs pays respectifs. Ceux qui ont décidé de quitter le Tchad, obéissent très certainement aux appels de la rébellion leur enjoignant d'évacuer la capitale, et plus généralement les zones de combats qui se sont étendues dimanche. On en compte au moins trois, et souvent espacées de plusieurs centaines de kilomètres, une tactique très probablement pour disperser les forces ennemies. Mais qui y a recours ? Est-ce la rébellion qui était samedi à quelques centaines de mètres du symbole même du pouvoir, et qui piétine depuis, permettant au président Idriss Deby de lancer une contre-attaque ? La seule réalité, hier, était que des milliers d'habitants de N'Djamena fuyaient vers le Cameroun afin d'échapper aux combats entre la rébellion et les troupes gouvernementales tchadiennes, a indiqué le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Le pont qui relie la capitale tchadienne N'Djamena à la ville camerounaise de Kousseri a été rouvert dimanche dans la journée, a déclaré une porte-parole du HCR, précisant avoir obtenu ces informations du préfet de Kousseri. « Il a dit que les Tchadiens passaient par milliers », a-t-elle ajouté. « Cela continue ce matin », a indiqué un autre porte-parole du HCR, Ron Redmond. « Nous nous attendons à ce que beaucoup plus de gens arrivent » sur la rive camerounaise du Chari, à l'ouest de N'Djamena, a-t-il ajouté. La rébellion tchadienne a affirmé dimanche soir s'être installée à la sortie Est de la capitale pour laisser aux civils le temps de quitter le centre-ville. « On s'est retiré de la ville, on attend que la population civile évacue », a déclaré le porte-parole de l'alliance rebelle, Abderaman Koulamallah. « On a préféré quitter la ville mais on va certainement repasser à l'offensive, on demande à la population civile de N'Djamena de partir immédiatement car sa sécurité n'est pas assurée », a-t-il déclaré. Dans le même temps, le siège de N'Djamena perturbe l'acheminement de vivres destinés aux camps de réfugiés du Darfour dans l'Est du Tchad, a souligné M. Redmond. « Nous sommes extrêmement inquiets » pour les 240 000 Soudanais hébergés dans ces camps si le blocus de la capitale tchadienne devait perdurer, a-t-il ajouté. Sur le terrain, un calme précaire, à peine troublé par quelques tirs sporadiques, régnait hier matin à N'Djamena, où l'armée tchadienne a affirmé avoir repoussé l'assaut des rebelles qui ont promis de repasser à l'offensive et de renverser le président Idriss Deby Itno. L'alliance rebelle qui, partie il y a une semaine du Soudan, a traversé tout le pays d'Est en Ouest pour attaquer N'Djamena ce week-end, a reconnu s'être retirée mais nié avoir été défaite. Comme il l'avait fait dans un communiqué dimanche soir, le ministre des Mines, le général Mahamat Ali Abdallah, commandant des opérations côté gouvernemental, a assuré de son côté que « l'ennemi (était) complètement en débandade. » « Leur but était uniquement la destruction de la ville, ils se retirent parce qu'ils n'ont pas le choix », a-t-il affirmé. « Le temps va vous montrer qu'ils sont défaits. » Interrogé sur la possibilité que le président Deby, qui avait vécu les combats du week-end retranché dans son palais au cœur de N'Djamena, profite de l'accalmie pour réorganiser ses troupes, le responsable rebelle s'est borné à répondre : « Nous avons nos propres impératifs stratégiques et militaires. » Selon une source militaire à N'Djamena, dimanche soir « les rebelles ont été repoussés en dehors de la ville, ils sont après la sortie Est. » « Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de combats après, on verra s'ils ont conservé leur capacité à attaquer », avait estimé cette source, sans exclure que des « éléments dormants » de la rébellion soient encore en ville. Selon certains témoignages difficiles à recouper, il n'y avait, dimanche après-midi, aucun rebelle visible dans les quartiers populaires autour du centre de N'Djamena, et l'armée était déployée au cœur de la capitale. Aux abords de la présidence, toujours gardée par des chars, les scènes de destruction sont nombreuses : vitres brisées, impacts de balles, d'obus ou de roquettes sur les façades, arbres sectionnés et couchés sur les rues, véhicules calcinés. Des cadavres de civils gisaient à même le sol sablonneux, livrés aux mouches ou recouverts de tapis ou de bâches. Selon les responsables de la sécurité de plusieurs organismes internationaux, les pillages ont été nombreux. Il s'agit en tout état de cause de l'attaque la plus grave à laquelle fait face le président Deby depuis son arrivée au pouvoir par les armes, en 1990, en provenance lui aussi du Soudan. Mais le chef de l'Etat a déjà réussi à renverser des situations militaires très difficiles. Le pourra-t-il encore une fois, lui qui a refusé de quitter son pays comme le lui ont proposé les responsables français ? La confusion semble régner dans ce pays qui en manque terriblement.