Le coach allemand du Cameroun, Otto Pfister, est un globe-trotter. Il parcourt le continent africain depuis 1972, date à laquelle il y a posé ses pieds et sa valise pour la première fois. Cela fait 36 ans qu'il coache sur le continent, entrecoupé d'allers-retours. Au terme du premier tour de la CAN 2008, il a accepté de nous entretenir sur sa longue expérience africaine. Otto Pfister, vous êtes un vétéran comme entraîneur en Afrique... Effectivement, je pense être le dernier survivant des premiers entraîneurs européens venus travailler en Afrique. Cela fait 36 ans que j'arpente le continent qui n'a plus de secret pour moi. Je suis capable de vous parler en détail de tous les pays africains, de leur football, forces et faiblesses. Dans quelles circonstances êtes-vous arrivé en Afrique ? C'était en 1972. La première sélection africaine que j'ai dirigée, c'est le Rwanda. J'ai passé quatre ans avant d'entamer mon tour du continent africain qui m'a conduit au Sénégal, au Ghana, au Burkina Faso...et bien d'autres pays où j'ai eu la possibilité d'enrichir mes connaissances au contact de personnes engagées en faveur du football, malgré la faiblesse des moyens dont elles disposaient. Vous avez dirigé des clubs sur le continent ? J'ai dirigé le club de Sfax en Tunisie avec qui j'ai gagné des titres, comme au Liban et dernièrement au Soudan. Là où je suis passé, j'ai décroché des titres et des coupes nationales, sans oublier quelques coupes africaines. Quelle analyse faites-vous du football africain ? Il est riche par le talent de ses joueurs et pauvre au plan des infrastructures. Il y a deux niveaux… l'Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte) est en avance sur ce plan par rapport à des pays comme le Cameroun, la Zambie, la Côte d'Ivoire... Pourquoi le football africain n'arrive-t-il pas encore à exprimer toutes ses potentialités ? La valeur des joueurs, à elle seule, ne suffit pas à renverser les montagnes. S'ils ne sont pas aidés, soutenus, ils ne feront rien. Notre football souffre du manque de moyens et surtout d'organisation. La faute incombe principalement aux responsables et dirigeants à tous les niveaux. C'est là, à mon avis, où réside le mal du football africain. Vous avez la réputation d'un entraîneur qui n'a pas sa langue dans sa poche. Vous l'avez prouvé avec vos déclarations fracassantes à votre arrivée à Tamale... Tout ce que j'ai dit est vrai, exact et confirme ce que j'ai toujours dit au sujet des responsables. Estimez-vous logique que la sélection du Cameroun arrive à Tamale sans ses bagages à cause de négligences au niveau de l'organisation et de l'intendance ? Arrivés à l'hôtel, nous avons attendu de longues heures avant de prendre possession de nos chambres qui n'étaient pas prêtes, sans oublier le repas qui nous a été servi avec plus de deux heures de retard. Après cela, on vient me demander pourquoi l'équipe ne joue pas bien. Pour pouvoir le faire (bien jouer), il faut préalablement réunir et offrir toutes les conditions de préparation aux joueurs. Vous n'avez pas été tendre avec les organisateurs locaux... J'ai dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Ici, toutes les équipes doivent être placées sur le même pied d'égalité. Ce n'est pas le cas, malheureusement. Le Ghana, pays hôte, est bien logé, protégé, s'entraîne quand il veut, dispose de tous les moyens pour réaliser un bon résultat et nous, on nous égare notre matériel, on nous prive d'une séance d'entraînement et on nous loge dans un hôtel tralala... Jeudi, vous avez protesté encore à l'hôtel ? J'ai dénoncé la présence d'un agent de joueurs dans le même hôtel où sont logées les sélections du Cameroun et de la Tunisie. Ce n'est pas normal. Ce type de personne perturbe les joueurs à la veille d'un rendez-vous important. La CAF doit réagir afin que de telles situations ne se reproduisent plus. Un mot sur les quarts de finale et votre adversaire, la Tunisie... Nous allons assister à une autre compétition avec des rencontres plus intenses et engagées. Le système de coupe, élimination directe, instauré à partir des quarts de finale, va donner une autre dimension au jeu. Il n'y aura plus de place aux calculs sordides. Celui qui perd fera sa valise. Les huit équipes qualifiées aux quarts de finale sont bien les meilleures du continent. A partir de là, je n'avais aucune préférence. Jouer la Tunisie sera aussi difficile que jouer la Côte d'Ivoire ou le Ghana. L'essentiel est d'être dans son jour. Vous n'êtes pas menacé par un limogeage en cas d'élimination ? J'ai passé l'âge d'avoir peur de l'issue d'un match. Je dirige le Cameroun depuis quelques semaines. J'ai signé avec la Fédération un contrat de deux ans (2008-2010) avec comme principal objectif la qualification à la Coupe du monde 2010.