Analyse n Ayant drivé plusieurs sélections africaines dont la dernière en date est le Cameroun, l'Allemand Otto Pfister – lui qui a vécu en Afrique une quarantaine d'années – paraît connaître mieux que quiconque les secrets de la CAN. Dans cet entretien, il nous livre ses impressions. InfoSoir : Tout d'abord, comment estimez-vous le niveau de cette CAN angolaise ? l Otto Pfister : Même si le niveau technique n'est pas très élevé, je crois que l'esprit tactique des équipes africaines a gagné en maturité et ce, en raison du niveau des joueurs qui évoluent dans les grands clubs européens mais aussi à celui des coaches du moment. La preuve, nous avons assisté à de véritables batailles de football durant le premier tour où les surprises n'ont pas été légion. Je ne peux omettre que le charme de la CAN est toujours intact avec les nouvelles éclosions de joueurs de talent qui marquent leurs premières apparitions dans ce tournoi. Un mot sur l'équipe algérienne. l Sans vous jeter des fleurs, je peux dire que cette équipe est très forte sur plusieurs plans notamment mental. Une équipe qui défend très bien et qui possède des joueurs de talent notamment ceux évoluant au milieu de terrain. Des individualités, elle n'en manque pas, mais c'est le groupe qui a fait sensation. Des joueurs comme Belhadj ou encore Ziani sont à féliciter tout aussi que le gardien, Chaouchi. Pouvez-vous nous analyser les trois matches de l'Algérie ? l Je crois que face au Malawi, les joueurs ont pris l'adversaire à la légère et l'ont sous-estimé, ce qui est une grave erreur en football. Il est vrai que le Malawi est une jeune équipe, mais qui ne manque pas d'atouts et qui progresse d'année en année. La preuve, ses joueurs ont tout fait pour ne pas rater leur entrée en matière et ont paru plus adroits en gérant bien leurs efforts sous cette chaleur. Je ne dois pas omettre de vous dire que cette victoire du Malawi a été la grosse surprise qui a a étonné beaucoup de monde. A mon avis les Algériens étaient méconnaissables et méritaient la défaite. Face au Mali, les Fennecs se sont ressaisis et ont fait un excellent match. Avec un milieu compact à 5 éléments, le milieu de terrain adverse – pourtant le meilleur sur le continent – a été carrément neutralisé. Les contres des Algériens ont été vifs et assassins. Ziani a été impérial dans cette partie. Lors du 3e match, d'autres satisfactions ont apparu. Les Algériens ont géré la partie comme il se devait et ont fait preuve de prudence lors de la seconde partie du match en ayant eu écho du résultat de l'autre match. C'était normal de reculer et de ne pas prendre de risques. Un joueur est sorti du lot, Ghezzal avec une débauche d'énergie extraordinaire. Il ne manquait qu'une bonne circulation du ballon que gênait, à mon sens, l'état du terrain. Comment se présente le match face à la Côte d'Ivoire, selon vous ? l Ce sera un véritable test pour les deux équipes, deux mondialistes qui ne manquent pas d'atouts et ont plusieurs joueurs de talent. Les Eléphants ne sont pas faciles à manier mais ils ont leurs faiblesses et Saâdane, avec toute son expérience, a sûrement concocté un plan pour faire face. Ce sera un match très disputé et les deux équipes feront de leur mieux pour ne pas paraître en deçà des espérances de leurs supporters respectifs. L'erreur est interdite dans ce genre de rencontre et puis les deux équipes éviteront au maximum de s'aventurer et joueront la prudence. Entre deux mondialistes, les débats seront vraiment chauds. Quelles sont les chances de l'Algérie dans ce match ? l Je crois que l'avantage de l'Algérie est de jouer en bloc, une stratégie qui permet de passer les obstacles. Les Algériens qui sont arrivés à cette CAN sans bruit, ont réussi une véritable remontée après qu'ils donnaient l'impression de la quitter plus tôt. Le retour en force de l'équipe algérienne en un laps de temps court joue en sa faveur. Ajoutez à cela que l'Algérie possède des joueurs au mental d'acier. La double confrontation face à l'Egypte l'a démontré. Enfin, il y a lieu de signaler que le fait que la Côte d'Ivoire soit un favori en puissance, plaide en faveur de l'Algérie car, à mon avis, les Ivoiriens sont trop confiants. Vos favoris pour le sacre ? l Je pense à mon ancienne équipe, le Cameroun mais aussi à la Côte d'Ivoire, au Nigeria et à l'Egypte dont la plupart des joueurs évoluent au Ahly et qui se sont vite adaptés aux conditions climatiques pourtant difficiles, mais, sait-on jamais, une surprise n'est pas à écarter. Et dire qu'on vous attendait en Afrique… l Je ne crois pas en être loin car je commente ce tournoi pour des chaînes allemandes et suisses dont Eurosport. C'est dire que je suis toujours dans le bain. Je travaille même pour des clubs que j'aide par mon expérience et qui n'hésitent pas à me demander des conseils. Votre avis sur l'attentat qui a touché la délégation togolaise ? l C'est vraiment navrant car il faut savoir que le Togo est mon ancienne équipe et j'ai été très choqué par ce tragique événement à la veille de ce qui devait être une fête. Et les événements qui ont précédé le match Egypte-Algérie... l C'est vraiment triste pour le football car cette belle discipline n'a pas besoin de cela pour sa promotion. Il faut dire que connaissant les deux entraîneurs, les deux cultures et les deux pays, le football est une force qui doit unir les peuples et non les séparer.