Pour convaincre les employés de Sonatrach à quitter leur entreprise, les compagnies pétrolières étrangères ont des arguments persuasifs. En deux ans, Sonatrach a perdu, selon la direction des ressources humaines de l'entreprise, pas moins de 170 employés. Selon des chiffres avancés par la direction des ressources humaines de la compagnie nationale, 78 cadres qui activent dans les forages et la supervision des forages dans les filiales de Sonatrach, telles que ENAFOR, ENSP et EMTP, ont quitté leur entreprise en 2006. S'ajoutent 736 autres cadres perdus durant la même année pour diverses raisons (retraite, décès et départs pour rejoindre d'autres compagnies). L'ancien ministre et ex-PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, a révélé en octobre 2006 que Sonatrach avait perdu entre 30% et 40% de ses cadres au profit des entreprises étrangères. Rien qu'au niveau de la zone industrielle d'Arzew, plus de 200 cadres de cette société auraient démissionné durant la dernière décennie pour rejoindre les firmes pétrolières des pays du Golfe, notamment du Qatar, qui proposent des contrats de travail plus alléchants. « Sonatrach ne pourra jamais payer ses salariés comme le font les compagnies étrangères », explique M. Benazzouz, secrétaire national de la Fédération nationale des travailleurs du pétrole, du gaz et de la chimie (FNTPGC). Il ne serait pas cohérent, selon lui, que la compagnie algérienne de pétrole augmente ses salariés de façon substantielle alors que des travailleurs de la Fonction publique touchent à peine 12 000 DA. « D'autant que le coût de la vie en Algérie et dans les autres pays n'est pas le même », souligne-t-il. Il nous dit que les compagnies pétrolières concurrentes sont prêtes à débourser 12 000 dollars/mois pour « débaucher » un superviseur de Sonatrach. « La compagnie dépense beaucoup d'argent pour la formation de ses employés. Pour avoir un bon superviseur, la compagnie déploie de grands efforts. Tout cela s'avère vain lorsque ces compagnies viennent les cueillir comme si de rien n'était », s'indigne-t-il. Pour garder ses employés, la compagnie nationale joue sur des avantages qu'ils ne trouveront pas ailleurs. « Nous offrons la médecine de travail, la sécurité sociale, la formation, la stabilité. Dans les autres entreprises, le travailleur peut être remercié au bout de quelques mois. A Sonatrach, nous avons une certaine morale », glisse M. Benazzouz. Mme Bendahou, chef du projet rémunération à Sonatrach explique : « Il y a des avantages de taille qui ne figurent pas dans la fiche de paie, à l'exemple de la voiture, les voyages, les bons d'essence… » Il est néanmoins devenu nécessaire que Sonatrach s'adapte à une concurrence de plus en plus difficile à soutenir. « Avec le système actuel, nous ne pouvons ni attirer les compétences ni les maintenir. Il y a urgence », lance M. Benazzouz. La directrice des ressources humaines estime qu'il ne faut pas « exagérer » le nombre d'employés démissionnaires. Le salaire ne serait pas, d'après elle, la seule motivation des cadres pour le départ. Elle ajoute : « Ce n'est pas seulement le salaire qui motive les travailleurs à quitter l'entreprise, il y a aussi les conditions de travail, l'environnement… » Elle nuance ses propos en ajoutant : « Il est vrai que les compétences se font rares. Nous sommes tenus d'anticiper. Si aujourd'hui ce sont les travailleurs dans le domaine du forage qui sont visés, demain ce sera le domaine de l'exploitation. »