Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d'Université en management stratégique Conseiller des Ministères Energie 1974/1979- 1990/1995- 2000/2006 La situation actuelle rend de plus en plus urgent le management stratégique et une transparence de la gestion de Sonatrach en précisant que la société recèle une majorité de cadres, de techniciens et d'ouvriers spécialisés foncièrement honnêtes. Je livre 30 années de ma modeste expérience ayant suivi l'évolution de ce secteur, en évitant d'isoler en Algérie, la micro-gouvernance de la macro gouvernance, surtout pour le cas de Sonatrach, qui sont inextricablement liées. C'est dans ce cadre que j'insiste sur un fait essentiel : il existe un principe universel dans toute démarche scientifique et opératoire c'est de partir du général au particulier, afin de saisir les interactions et pouvoir procéder par des actions par touches successives, en rappelant qu'il s'agit de proposer des actions concrètes loin de toute démarche théorique abstraite. Rendre plus efficiente Sonatrach suppose plusieurs actions stratégiques: la replacer dans le contexte national et international ; un audit des immobilisations corporelles et non corporelles ; -un système d'organisation en temps réel se fondant sur des réseaux et non plus sur l'actuelle organisation marquée essentiellement sur une vision hiérarchique verticale ; des centres de coûts transparents incluant la gestion du partenariat et des contrats par une concentration sur ses métiers de base évitant la dispersion ; une gestion rationnelle des ressources humaines par des formations permanentes et élément essentiel du management stratégique, impliquer les cadres et être à l'écoute du collectif des travailleurs par un dialogue constructif permanent, évitant les décisions bureaucratiques autoritaires. Et pour résultat final, des modèles de simulations et options dans un environnement concurrentiel sont nécessaires avec deux à trois variantes en fonction des paramètres et variables stratégiques retenus tenant compte de l'évolution des contraintes internes- externes , afin de pouvoir guider des choix réalistes ( prospectives ) : plans d'actions synchronisés à court terme, à moyen terme et à long terme. Avant de commencer cette analyse , et pour toute déontologie, je tiens à souligner que cette modeste contribution n'aurait pu se réaliser dans les longues discussions il y a de cela plus de 5/6 années que j'ai eu avec mon ami Nazim Charif Zouioueche qui est un des meilleurs cadres opérationnels qu'a eu Sonatrach depuis l'indépendance politique, diplômé de l'école nationale des télécommunications de Paris (1962-1965) et de l'Institut français du pétrole (1968/1969), ayant occupé d'importantes fonctions au niveau de Sonatrach , directeur de la direction production 1971/1979 - vice président exploration production, président de l'observatoire méditerranéen pour l'énergie (OME) 1995/1997 et président directeur général de Sonatrach 1995/1997 et actuellement a d'importantes responsabilités en tant qu'expert international dans le domaine de l'énergie à l'étranger. Toutefois je suis le seul responsable de la teneur de cette analyse (1).
I-Sonatrach , à travers tous les indicateurs économiques, c'est l'Algérie Selon le classement du Petrolum Intelligence Weekly (PIVV) dans son rapport de fin 2008, Sonatrach est la 13ème compagnie mondiale ( 12ème en 2007) , ce classement associant les compagnies internationales privées et les sociétés nationales autour de quatre critères (les réserves de pétrole et de gaz, la production de pétrole et de gaz , la capacité de raffinage et les ventes de produits pétroliers) , Sonatrach étant classée 7ème groupe mondial par la taille de ses actifs, 13ème pour le bénéfice net , 22ème pour le chiffre d'affaires, et 25ème pour le nombre d'emplois. Avec environ une production de 1,4 million de barils jour dont 1,2 million barils/ jour d'exportation, c'est la première compagnie en Afrique, maintenant un très net écart avec ses deux poursuivants sur le podium 2010 des 500 premières entreprises africaines: l'angolaise Sonagol (26,6 milliards USD de chiffre d'affaires) et la sud-africaine Sasol (13,7 milliards USD), selon une enquête récente de Jeune Afrique sur le top 500. Elle est suivie de Naftal (34), Naftec (61), Sonelgaz (72), Algérie Télécom (143), Air Algérie (153), Cosider (165), ENTP (266), l'entreprise nationale de géophysique (394), Cevital (69), OTA (67), Watania (225). Sonatrach est également le 2e exportateur de GNL et de GPL et le 3e exportateur de gaz naturel ( GN) notamment à travers ses réseaux Medgaz (Europe via Espagne) et Galsi (Europe via Italie) devant passer de 62 en 2009 à 85 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2012, ayant des activités diversifiées touchant toute la chaîne de production : exploration, exploitation, transport, raffinage. Elle s'est diversifiée dans la pétrochimie, dans le transport maritime via sa filiale Hyproc Shipping, participant à hauteur de 31% des parts de marché dans l'exportation du GNL algérien et à hauteur de 24% pour les LPG avec sa propre flotte. Elle s'est également internationalisée tant au niveau interne qu'au niveau international. Au niveau interne, la nouvelle loi sur les hydrocarbures amendée a fixé à au moins 51% la part de Sonatrach sur les périmètres octroyés par Alnaft et moins de 49% aux compagnies pétrolières. Mais le partenariat a toujours existé même du temps du socialisme des années 1970. Car il y a lieu d'éviter la vision essentiellement négative car cette association a permis de redynamiser la production pétrolière et gazière en chute libre d'où les amendements de Ghozali des années 1990 qui en fait étendaient la loi de 1986 à un large partenariat avec les compagnies internationales. Avec l'application des nouvelles dispositions de la TPE, cela a permis d'augmenter la pression fiscale et de réduire la part de rémunération nette de l'associé, en fonction du niveau des prix, particulièrement quand il est élevé. Selon son bilan financier clôturé fin 2008 certifié par le commissaire aux comptes la part des associés est passée de 3,9 milliards de dollars en 2007 à 4,8 milliards de dollars, en liaison avec l'augmentation du chiffre d'affaires réalisé en association. La taxe sur les profits exceptionnels (TPE) prélevée, sur les droits des associés et reversée au Trésor Public s'est élevée à 2,6 milliards de dollars et la rémunération brute des associés constituée par le profit-oïl d'un montant de 538 milliards de dinars en 2008 contre 516 milliards de dinars en 2007, soit une augmentation de 4 %. Au niveau international, le Groupe Sonatrach a mis en place un système de réorganisation de ses activités internationales par le regroupement des compagnies filiales à l'étranger autour d'un Holding international (S.I.H.C) crée en Juillet 1999 qui opère actuellement dans différents pays tels que : le Yémen, Pérou, Venezuela et Espagne, Sipex une filiale de Sonatrach présente dans plusieurs pays d'Afrique notamment au Mali, en Mauritanie, en Egypte en Libye et au Niger. En fait, Sonatrach est la plus importante société algérienne, qui emploie plus de 50.000 salariés et avec ses filiales 125.000 personnes et a réalisé en 2008 un bénéfice net de près de 9,2 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires annuel de 80,8 milliards de dollars, selon son dernier rapport financier. Elle est surtout le principal fournisseur en devises de l'Algérie avec 98% des recettes en devises du pays. Elle représente 45% du produit intérieur brut évalué à 160 milliards de dollars mais en réalité avec les effets indirects plus de 80% ( le bâtiment travaux publics , hydraulique et bon nombre d'autres secteurs étant tirés par la dépense publique via les hydrocarbures soit plus de 110 milliards de dollars. Le groupe est donc le véritable moteur de l'économie algérienne, un fournisseur essentiel de revenus d'exportations, de revenus fiscaux, d'emploi. Sonatrach et donc l'Algérie est l'Algérie est Sonatrach et sa gestion et son image se répercutent directement sur l'ensemble de la société algérienne. Les récents scandales ont porté un large préjudice tant à la société qu'à l'image de l'Algérie sur le plan international d'où l'importance de tracer des pistes d'action car malheureusement, récemment, Sonatrach est sortie de ses métiers de base malgré la faiblesse de ses ressources humaines et surtout faisant double emploi avec d'autres départements ministériels notamment dans le dessalement d'eau de mer, récemment dans la production du ciment, l'aviation et projetant de fonder des banques , cette dispersion à vouloir faire tout à la fois grâce à des ressources financières qui sont la propriété de la Nation, a nuit d'ailleurs à son management global stratégique.
II.- Urgence d'un nouveau management tenant compte de la politique nationale et de l'environnement international Le nouveau management stratégique doit avant tout diagnostiquer l'impact de l'environnement national et international sur Sonatrach et l'appréciation des domaines où l'interface Sonatrach/ environnement peut être amélioré afin de rendre plus performant l'entreprise et la hisser au niveau de la concurrence mondiale. Il s'agira d'évaluer l'impact de l'environnement socio-économique et institutionnel (notamment bancaire) ainsi que des réformes prévues ou à envisager tenant compte de l'Accord de libre-échange avec l'Europe applicable depuis le 01 septembre 2005 et son éventuelle adhésion à l'OMC. Pour cela il s'agira principalement d'analyser l'ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), les circuits banque primaire- banque centrale -Sonatrach pour les conditions de paiement afin d'accélérer la rapidité des opérations, évaluer les structures d'appui professionnelles existantes , les structures d'appui techniques et de formation, l'identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs - clé de succès pour une comparaison nécessaire de la stratégie internationale des grands groupes pétroliers et gaziers . Cela implique la prise en compte la comparaison des comptabilités- organisation, filialisation, les récents fusionnements , la concurrence des énergies substituables, de l'environnement avec des activités non polluantes en incluant donc de nouveaux coûts nécessaires tenant compte de cette nouvelle contrainte internationale, la part de marché des pays OPEP et des pays non OPEP , la spécificité régionale du gaz dont la part du marché en Europe du gaz algérien, et ses concurrents directs avec la Russie et la Norvège , l'impact de la découverte des nouvelles technologies concernant le gaz non conventionnel qui a fait chuter le prix de cession du gaz sur le marché libre d'environ 30% et l'initiative récente depuis janvier 2010 de la Russie de procéder au recyclage du gaz à partir du charbon- idem pour la Chine. La description des opérations devrait permettre d'identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests)- volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie- standards et normes- sous-traitance et enfin le conventionnement.