Le secrétaire général de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), Jaap de Hoop Scheffer, a annoncé jeudi, lors d'une conférence-débat intitulée « L'Otan après le sommet d'Istanbul et le dialogue méditerranéen », animée au Palais des nations à Alger, la décision de l'Alliance de faire évoluer en partenariat son dialogue méditerranéen initié en 1994 avec l'Egypte, la Jordanie, Israël, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie et l'Algérie. L'opportunité de « passer du dialogue au partenariat », a expliqué M. Scheffer, a été appuyée, dans le cas de l'Algérie, par les résultats positifs du dialogue méditerranéen et les choix stratégiques adoptés par le gouvernement algérien en matière de politique étrangère (en particulier celui ayant consisté à fonder sa diplomatie sur la coopération et à s'engager dans une association avec l'Union européenne). La décision des membres de l'Otan « de franchir le pas en étroite collaboration avec l'Algérie et les autres pays du dialogue » remonte au sommet d'Istanbul tenu en juin dernier, a précisé le secrétaire général de l'Alliance atlantique dont c'était la première visite dans un pays membre du dialogue méditerranéen. M. Scheffer a expliqué, par ailleurs, que l'évolution de la coopération entre l'Algérie et l'Otan pourrait globalement prendre la forme du Partenariat pour la paix (PPP), mené actuellement par l'Otan avec certains pays d'Europe comme l'Ukraine. Il a préconisé toutefois d'adapter celui-ci (le PPP, ndlr) aux particularités des pays de la rive sud de la Méditerranée. Mais quel que soit le format de coopération envisagé, le secrétaire général de l'Otan a indiqué qu'il faudra un certain temps pour passer à la phase active du nouveau partenariat Algérie-Otan. Les modalités restent à définir La nouvelle étape du dialogue méditerranéen de l'Otan, a déclaré M. Scheffer, sera d'abord consacrée à la définition et à la mise en place des modalités de ce partenariat renforcé. Pour lui, le travail consiste d'ores et déjà à « consolider le dialogue politique à haut niveau mais aussi à préciser les contours de la coopération quotidienne ». Sa visite en Algérie et celles envisagées dans les autres pays du dialogue, a-t-il dit, « s'inscrivent précisément dans cette perspective ». M. Scheffer a indiqué que c'est aussi l'objectif visé par la première réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Alliance avec leurs homologues du Dialogue méditerranéen, prévue le 8 décembre prochain au QG de l'Otan, à l'occasion de la célébration du 10e anniversaire du lancement du dialogue. A rappeler que le 17 novembre dernier, les chefs d'état-major des pays de l'Otan s'étaient également réunis pour la première fois à Bruxelles avec leurs homologues du dialogue. En préambule aux discussions de Bruxelles, le secrétaire général de l'Otan a cité la coresponsabilité, la complémentarité et le respect des spécificités nationales ou régionales comme « les trois principes essentiels » sur lesquels doit reposer ce partenariat entre l'Algérie et l'Organisation de l'Alliance Atlantique Nord. « L'Algérie est un partenaire fort qui fait savoir clairement ses priorités et sa demande. Elle expose tout aussi clairement les atouts qu'elle souhaite partager avec l'Otan. L'Alliance, pour sa part, fait de même. Nos pays sont donc partie prenante de l'entreprise de coopération à double sens. Ce partenariat de sécurité entre les deux rives de la Méditerranée est dans notre intérêt à tous », a-t-il déclaré. Mais en attendant les résultats de cette réunion, le secréaire général de l'Otan a estimé que la réforme et la mise à niveau des forces armées, la lutte antiterroriste, le partage d'informations et l'organisation d'opérations conjointes, à commencer par l'opération maritime antiterroriste « Active Endeavour » de l'Otan en Méditerranée, consistant à surveiller le trafic maritime, sont autant de domaines offrant des perspectives de coopération. M. Scheffer - qui s'est entretenu longuement et par deux fois avec le président Bouteflika concernant la réforme des armées - a beaucoup insisté sur le fait que la coopération entre l'Otan et l'Algérie ne doit pas être à sens unique. « C'est, a-t-il dit, une rue (le partenariat) à deux sens. Alors c'est au gouvernement algérien en coopération avec l'Otan de décider quelle forme pourrait prendre de ce dialogue. » Une manière de dire que l'Otan est prête à mettre en place une forme de « coopération à la carte » pour les pays du dialogue. Le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a indiqué, pour sa part, que l'Algérie n'a pas exprimé de demandes précises pour le moment. Il a indiqué néanmoins que le pays pense « pouvoir coopérer avec les responsables de l'Otan dans le domaine civil, de la formation, des opérations de maintien de la paix, de l'acquisition des technologies et des techniques et dans de nombreux autres domaines ». Au terme de la conférence-débat animée par M. Scheffer, M. Belkhadem avait marqué l'intérêt de l'Algérie pour « une coopération qui respecte la souveraineté de décision, ses valeurs et qui tient compte du partage du principe ». L'Otan et le conflit palestino-israélien L'absence d'une paix juste et durable au Moyen-Orient (conflit palestino-israélien, Irak, ndlr) peut-elle influer négativement sur l'évolution de la coopération entre les pays du dialogue et l'Otan, comme ce fut déjà constaté par le passé ? M. Scheffer, en optimiste, préfère écarter cette éventualité. Toutefois, il a souhaité que ce ne soit pas le cas. Selon lui, « l'absence du règlement du conflit israélo-palestinien ne doit pas servir d'alibi pour empêcher le renforcement de la coopération entre les Alliés et les voisins du sud de la Méditerranée ». Car, a-t-il souligné, « trop d'enjeux et de défis communs nous lient pour que nous laissions notre future coopération devenir otage de ce conflit ». Invitant à « aller de l'avant (...) pour tirer pleinement parti de ce partenariat renforcé », M. Scheffer a cependant estimé « évident que les avancées dans le processus de paix permettront aux efforts coopératifs de l'Otan de prendre leur envol et surtout seules les avancées significatives seront à même de garantir durablement la stabilité et de la sécurité du Moyen-Orient ». Le secrétaire général de l'Otan a insisté également sur l'idée qu'à l'ère de la mondialisation et l'apparition des nouvelles menaces (terrorisme, prolifération des armes de destruction massive et le trafic des êtres humains), il est important pour les pays, dans tous les cas de figure, d'être unis « pour le meilleur et pour le pire » et de « coopérer plus étroitement ». « Le renforcement du dialogue méditerranéen est une étape majeure de ce processus. Et nous ouvrons un nouveau chapitre de notre coopération. Il nous faut de nouveaux moyens et de nouveaux outils pour relever les défis de sécurité auxquels nous faisons face tous ensemble. En résumé, il offre une nouvelle opportunité à l'Algérie et à l'Otan. Il nous appartient maintenant d'exploiter pleinement ces opportunités », a-t-il soutenu en outre. Quid des rapports entre les Etats arabes du dialogue et Israël, l'Otan peut-elle être perçue comme un vecteur de normalisation ? « Pas du tout », a répondu le secrétaire général. de l'Otan lors d'un point de presse animé conjointement avec le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem. « Il n'y a certainement pas de rôle de l'Otan. Il y a un rôle de l'Otan pour le dialogue avec l'Algérie et les pays d'Afrique du Nord. Le dialogue avec la Jordanie, le dialogue avec Israël. La seule responsabilité de l'Otan, c'est d'avoir un dialogue », a-t-il soutenu. S'agissant du Sahara-Occidental, M. Scheffer a rappelé que l'Otan n'a pas de position sur le conflit. Mais il a mentionné que le règlement du conflit devrait tenir compte, selon son opinion personnelle, des résolutions des Nations unies.