L'érosion du pouvoir d'achat, absolument avérée chez les couches démunies de la population, affecte aussi ce que l'on pourrait nommer la classe moyenne, plus précisément encore les larges effectifs de la Fonction publique. Ces derniers aspirent à des revalorisations de salaire au demeurant appuyées par la difficulté de faire face à la flambée des prix. En lançant un mot d'ordre de grève, les syndicats de ce secteur fortement employeur montrent à l'évidence que la concertation avec les pouvoirs publics n'a pas abouti et que les solutions restent pendantes ou ont été différées. Les fonctionnaires, comme les autres catégories de travailleurs, entendent bénéficier de manière un peu plus substantielle des effets de l'embellie financière générée par les recettes des hydrocarbures que les Algériens considèrent comme un bien commun et inaliénable. C'est toute la problématique de la répartition du revenu national qui se retrouve posée avec, en filigrane, la crainte de la paupérisation qui traverse des pans entiers de ces couches qualifiées de moyennes parce qu'elles se prévalent d'un salaire. Simplement, si nombre de fonctionnaires estiment avoir la tête au-dessus de l'eau, ils n'ont pas une assurance quasi certaine de ne pas sombrer sous le poids des contraintes économiques d'un environnement qui pénalise les plus fragiles sans tenir compte de l'importance de leur mission sociale. Les enseignants qui forment des générations d'Algériens figurent ainsi parmi les catégories de travailleurs sous-payés. Dans l'Algérie de 2008, il convient de se demander s'il faut encore faire comme si ces fonctionnaires n'étaient pas concernés par la pression d'une contrainte brutalement exponentielle des prix à la consommation. Il n'y a pas – ou plus – que le traditionnel panier de la ménagère à tenter de remplir. Il y a aussi des dépenses de santé qui sont pour les ménages algériens – et ceux des fonctionnaires en font partie – des dépenses insoutenables au regard du coût exorbitant de la presque totalité des médicaments. A cet égard, certains mouvements sociaux, loin de constituer une posture d'affrontement, informent au contraire sur l'état de la société et sur les risques que peuvent engendrer de trop grandes disparités. D'une certaine manière, une révision des salaires ne représenterait qu'une mise à niveau, car la péréquation des besoins ferait apparaître des demandes encore plus conséquentes sur d'autres aspects comme l'accès au logement. C'est un signe de bonne santé que de telles demandes soient exprimées dans un contexte où l'Etat affirme son arrimage à une économie compétitive et qui le serait davantage encore si le pouvoir d'achat, conforté, servait enfin à la relance de la consommation et à une stabilisation du marché, à plus forte raison encore si celui-ci est débarrassé de tout caractère informel. Cela ne se fera sans doute pas du jour au lendemain et par un coup de baguette magique, et il est certes plus facile de résoudre ce qui peut être résolu. En n'oubliant pas que, dans toute crise, il y a la part du facteur humain.